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« C'est au roi que j'adresse mon ouvrage. » Le choeur des prophètes, devant célébrer les saints mystères du Christ, craint de paraître au-dessous de son sujet, et de l'entendre dire en laissant voir sa faiblesse : « Pourquoi publies-tu mes jugements? pourquoi ta bouche annonce-t-elle mon alliance?» Il présente en conséquence son oeuvre au roi qu'il veut louer, afin que bonne il l'agrée, mauvaise il en fasse disparaître les taches, et il obéit par là au précepte divin : « Avoue tes fautes pour ta justification. Le juste est celui qui commence par s'accuser.» Dans la langue hébraïque et dans la langue latine, le mot ouvrage est synonyme de toute composition écrite. Ainsi donc le prophète, au moment de chanter les louanges de Dieu, lui dédie son cantique ou son « ouvrage, » et au lieu des muses profanes il invoque dès l'abord celui qu'il veut célébrer.
« Ma langue obéit comme la plume de l'écrivain rapide. » Au lieu de cette version, nous traduisons : « Ma langue est comme le stylet de l'écrivain rapide. » Le premier verset se trouve complété par ces mots, auxquels il faut joindre ceux-ci : Mon cœur n'a pu contenir les louanges de Dieu; je lui ai dédié mon cantique et l'ouvrage dans lequel j'ai voulu célébrer son nom. Il me faut donc apprêter ma langue comme un stylet dont se servira l'Esprit-Saint pour tracer mon oeuvre aux oreilles et aux sens de ceux qui m'écoutent. Je dois faire de ma langue en quelque sorte un instrument, et exprimer par cet instrument les pensées qui viennent de l'Esprit-Saint. Le stylet écrit sur la cire, la plume sur le papier, sur le parchemin ou sur toute autre matière propre à l'écriture : or ma langue, de même qu'un écrivain rapide, ou, pour mieux dire, de même qu'un sténographe, a, au moyen de signes abrégés, gravé dans les coeurs charnels la substance et le résumé de mon oeuvre évangélique. Si Dieu a employé pour écrire sa loi la main d'un médiateur, et si ce qui est aboli est encore glorifié, à plus forte raison ma langue servira-t-elle d'organe au Saint-Esprit pour écrire l'Evangile, qui est immortel, et pour graver rapidement dans le cœur des hommes de foi les louanges de celui pour lequel Irae e'é; crie: « Hâtez-vous d'enlever les dépouilles et d'emporter le butin. »
Vous êtes beau, entre les enfants d'Israël. » L’hébreu porte ; « Vous surpassez en beauté les enfants, d'Israël. » L'introduction est terminée; c'est ici que le récit commence. La parole est adressée au bien-aimé, au roi auquel était dédié le cantique du prophète. On se demande. d'abord comment l'emporte en beauté sur les enfants des hommes celui dont Isaïe a dit : « Nous l'avons regardé; il n'avait ni forme ni beauté, mais il était dédaigné et rejeté par les fils des hommes. C'était un homme de douleur sachant supporter sa misère, et il se cachait le visage. » On s'aperçoit aussitôt qu'il n'existe pas d'incohérence dans l’Ecriture. Ici ça fait le tableau d'un corps défiguré par les flagellations, les ignominies et les tortures, du gibet ; plus haut c'est l’éclat des vertus dans un corps saint et vénérable que fon a voulu dépeindre. Il ne faut pas s'imaginer que la divinité de Jésus-Christ l'emporte sur les hommes sous le rapport de la beauté, car cette divinité ne peut avoir de terme de comparaison; mais, à part les tourments de la croix, n'est-il pas plus beau que tous les hommes l’homme vierge né d'une vierge, et engendré par Dieu sans coopération humaine? Si son visage et ses yeux n'avaient pas respiré quelque chose de céleste, les apôtres ne l'auraient point aussitôt suivi, et on ne serait pas pour l'entendre, accouru avec tant d'empressement. « C'était un homme de douleur et sachant supporter sa misère. » Ces mots eux-mêmes expliquent la cause de ses souffrances. » Il se cachait le visage, c'est-à-dire que, déhouillant pour un moment sa divinité, il abandonna son corps aux mauvais traitements. Quelques scoliastes joignent ce verset au précédent, de telle sorte que ces mots: « beau entre tous les hommes » cesseraient d'avoir le Christ pour objet.
