7.
« Vous reposez, ô Dieu! sur l'éternité. Le sceptre de l'équité est le sceptre de votre empire; vous aimez la justice et vous haïssez l’iniquité. C'est pour cela, ô mon Dieu! que votre Dieu vous a sacré d'une onction de béatitude au-dessus de ceux qui participent à votre gloire. » Le verset commence ainsi dans le texte hébreu: « Votre trône, ô Dieu! est un trône éternel. » Faites attention qu'il s'agit ici de deux personnes : celle qui a fait « fonction » et celle qui l'a reçue de Dieu. C'est pour cela que Aquila traduit le mot hébreu éloïm par le vocatif thé au lieu du nominatif, ce que nous rendons par ces mots: « O Dieu! » de peur qu'on ne soit induit à croire que, sous le nom de «Dieu,» du « bien-aimé »et du« roi, » le Père se trouve désigné deux fois. Quoique le Père soit dans le Fils et le Fils dans le Père, quoiqu'ils se servent réciproquement de trônes, et qu'ils reposent mutuellement l'un sur l'autre, toutefois ici c'est à un roi-Dieu, à Jésus-Christ que la parole est adressée, et que l'éternelle durée de son empire est prédite. (Je me sers du mot « empire » comme synonyme de trône, suivant ces paroles : « Je placerai sur le trône un fils qui naîtra de vous. ») L'ange avait annoncé à Marie que le Seigneur placerait le fils qui naîtrait d'elle sur le trône de David son aïeul, qu'il régnerait éternellement sur la maison de Jacob, et que son royaume n'aurait pas de fin. Ne croyons pas trouver ici de contradiction avec l'épître aux Corinthiens, dans laquelle l’Apôtre prétend que le fils remettra le royaume à Dieu et qu'il se soumettra à lui après s'être soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout dans tout. L'Apôtre n'a pas dit en effet que le Fils remettrait le royaume au Père, abstraction faite du Fils lui-même, mais à Dieu, c'est-à-dire au Dieu qui a emprunté une enveloppe charnelle, afin que Dieu fût tout dans tout, et que le Christ, qui régnait auparavant dans le coeur de chaque fidèle par le peu de vertus qui y étaient renfermées, étendit son empire sur tous par toutes les vertus. Le sceptre est l'insigne de la royauté, comme nous l'apprend le prophète lui-même par ces mots: « Le sceptre de l'équité est le sceptre de votre empire. » Quelques-uns s'appuient encore de ce témoignage d'Isaïe : « Une branche sortira de la tige de Jessé et une fleur s'élèvera de sa racine, » pour reconnaître que c'est l'homme-Dieu que l'on investit de l'empire à cause de son amour pour la justice et de sa haine pour l'iniquité; que c'est lui que l'on proclame roi et sacré d'une « onction de béatitude au-dessus de ceux qui participent à sa gloire, » récompense en quelque sorte de cette charité et de cette aversion pour le mal. Nous avons la preuve que nous possédons le germe de l'amour et de la haine pour l'une et pour l'autre, quand nous voyons aimer l'équité et détester l'injustice par celui qui a fait de nos corps un pain dont il a offert les prémices au ciel. Aussi David s'est-il écrié « N'ai-je pas haï, Seigneur, ceux que vous haïssez? n'ai-je pas séché de douleur à leur vue? Je les ai haïs d'une haine profonde.» Dans la phrase suivante du verset : « Dieu, votre Dieu vous a sacré, » le mot « Dieu » est la première fois au vocatif, la seconde fois au nominatif. Je suis étonné qu'Aquila ait traduit par ce dernier cas au lieu du vocatif, comme il l'avait fait dans la première phrase du verset, et qu'il ait nommé à deux reprises le Dieu qui a « sacré»celui dont il est parlé plus haut. Ce passage confond Photinus; mais Arius relève la tête en citant ce témoignage de l'Evangile : «Je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. » Du moment où il voit que ce bien-aimé, ce roi armé de son glaive règne par la vérité et la douceur, et a été « sacré, » grâce à son amour de la justice et à sa haine de l’iniquité, « au-dessus de ceux qui participent à gloire, » de ceux dont il est écrit: « Nous participerons à la gloire du Christ si nous conservons en entier jusqu'à la fin le principe de vie,» je m'étonne qu'Arius dans ces mots : « Dieu, votre Dieu vous a sacré, » pousse la mauvaise foi jusqu'à ne reconnaître qu'une personne divine, comme si on devait entendre par là que Jésus-Christ a été sacré à raison de sa divinité, au lieu de l'être à raison de ce qu'il a été fait homme. Qu'il lise les Actes des apôtres : « Dieu », y est-il dit, « a oint de l'Esprit-Saint Jésus de Nazareth ; » qu'il lise l'Évangile : « Le Saint-Esprit descendra sur vous, et la puissance du Très-Haut vous couvrira de son ombre, et le fruit sacré que vous enfanterez sera appelé le Fils de Dieu; » qu'il entende le Seigneur lui-même s'écrier : « L'esprit du Seigneur est sur moi parce qu'il m'a donné l'onction. » Ceux qui « participent à sa gloire » sont les apôtres et les fidèles; son «onction »leur a donné leur nom, de telle sorte qu'ils ont été appelés « oints » ou « chrétiens » à cause de celui qui a été « oint, » c'est-à-dire de Jésus-Christ.
