8.
« La myrrhe, l'aloès et le cinnamome s'exhalent de vos vêtements et des palais d'ivoire où les filles des rois font vos délices et votre gloire. » L'hébreu porte : « La myrrhe, la stacté et la casia s'exhalent de vos vêtements et des palais d'ivoire où les filles des rois t'ont vos délices et votre gloire.» Dans mon préambule je vous ai dit, Principia, que j'avais voulu expliquer ce psaume parce que son titre: Pour les lys et les fleurs, me semblait pouvoir faire le sujet d'une épître à une vierge. Par la même raison qui me fait composer cet ouvrage pour vous, je vous appliquerai ce verset. Vous mortifiez votre chair dans ce monde, et tous les jours vous offrez « la myrrhe »à Jésus-Christ. Vous êtes le parfum du Christ et vous présentez au Seigneur la « stacté » et l'encens. Ceux qui connaissent la nature des plantes aromatiques prétendent que la «stacté » est la fleur de la myrrhe. Le mot suivant casia, qui se trouve souvent dans es psaumes, est appelé en grec supiz , c'est-à-dire essence distillée, ou baume plein de chaleur, propre à ranimer, à fortifier les malades usés par l’abus des plaisirs. Dans les textes latins gutta et stacté rendent le mot hébreu haloth. Nicodème emploie cent livres de myrrhe et d'aloès pour ensevelir le Seigneur. L'époux dit à sa bien-aimée: « La myrrhe et l'aloès se font sentir avec les plus doux parfums;» et celle-ci répond: « Mes mains distillent la myrrhe ; mes doigts en sont embaumés. » Vous aussi, Principia, arrêtez les ravages de la mort; ensevelissez-vous avec le Christ dans le baptême; soyez morte à ce monde, et, ramenant toutes vos pensées aux choses célestes, dites à votre époux: « Mes mains distillent la myrrhe ; mes doigts en sont embaumés. » La stacté, mélangée à d'autres plantes aromatiques, composait le parfum qui servait aux sacrifices et dont David a dit: « De même que le parfum répandu sur la tête d'Aaron descendit sur son visage et se répandit sur le bord de ses vêtements. » Les mages offrent de la myrrhe. Revêtir les vêtements du Christ, ce n'est pas autre chose que recueillir les mérites de sa mort et en montrer en soi-même les effets. Préparez ce vêtement pour votre époux; qu'il s'avance revêtu par vous de ce vêtement. Quand il sera tissu, Dieu fera de vous son temple; vous le comblerez d'allégresse dans son palais d'ivoire et vous chanterez ses louanges. Morte tout entière pour le siècle, vous vous mêlerez au chœur des anges; car les noms, par leur nature même, attestent que l'ivoire est un signe de vie et de mort. L'ivoire, dont son palais est recouvert, est en effet le signe de la vie et de la mort. Le verset ajoute avec raison : « Les filles des rois y font vos délices et votre gloire. » Votre époux est le roi des rois et le maître des souverains, et ces rois, faibles puissances sous un si grand roi, ce sont vos pères, ce sont ceux qui par renseignement de l'Évangile vous ont donné une seconde vie; et vous, leur fille chérie, vous glorifiez dans ses vêtements, dans ses parfums, dans son palais d'ivoire, celui à qui s'adressaient ces paroles : « La grâce est répandue sur vos lèvres. Armez-vous de votre glaive, ô Tout-Puissant ! Vos flèches sont acérées, ô Seigneur! Votre trône est éternel. » Nous traduisons « palais d'ivoire » parce que le texte grec porte apo Bareon Elephantinon. Au lieu de cette version, quelques commentateurs latins ont traduit apo Bareon par le mot gravibus, mais le mot Baris veut dire: une maison de Palestine. De nos jours encore les édifices clos de toutes parts, et construits en forme de tour, ont conservé le nom de Bareis.
« La reine, couverte d'or, est restée debout à votre droite. » La Vulgate, seule entre toutes les traductions, ajoute : « Toute brillante de couleurs variées. » L'hébreu porte : « Votre épouse, ceinte d'un diadème d'or, est restée debout à votre droite. » Nous rendons par épouse, l'hébreu segal; Aquila traduit sugroiton, ou : concubine; Symmaque et la quinte édition pallakten, ou : amante. Les Septante, Théodotien et Sexta rendent segal par : reine. Symmaque, au lieu de ces mots : « ceinte du diadème, » traduit : « ornée d'or fin, » Aquila, la quinte et la sixte édition : « Resplendissante de vives couleurs », ou « de l'or d'Ophir. » Parmi les filles des rois qui attendent les faveurs de leur époux, et charment dans son palais d'ivoire, par des parfums de toute espèce, celui dont le trône est éternel, seule et sans rivales, une belle et tendre colombe se tient à sa droite c'est !'Église catholique, fondée et profondément établie sur la pierre du Christ. L'esprit des Ecritures a remplacé la lettre; l'Église reste debout, « couverte d'or » et brillante de toutes les vertus; sa tête est ceinte du diadème, car elle est « reine » et elle règne à côté du roi. Nous pouvons regarder comme ses filles les âmes des fidèles et les chœurs des vierges. « L'or d'Ophir » est ainsi nommé à cause de sa couleur, ou de la contrée de l'Inde d'on il est tiré. Les Hébreux ont sept mots pour désigner for. Le Cantique des cantiques nous apprend aussi que l'amante ou l'épouse est celle qui, pour reposer, veut être aux côtés de son bien-aimé.
