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Vous savez, ma fille en Jésus-Christ, que l'on m'a généralement blâmé d'adresser parfois mes épîtres aux femmes, et de préférer l'instruction religieuse du sexe le plus faible à celle des hommes. Je dois donc répondre d'abord à mes détracteurs avant d'en venir à l'analyse détaillée que vous m'avez demandée. Si les hommes s'enquéraient des saintes Ecritures, je ne parlerais point aux femmes. Si Barac avait voulu marcher au combat, Debbora n'aurait pas vaincu et triomphé. Jérémie est jeté en prison; Israël, près de périr, n'a pas voulu recevoir le prophète, et une femme, Olde, lui est envoyée. Les prêtres et les pharisiens crucifient le Fils de Dieu, et Marie-Madeleine pleure au pied de la croix; elle prépare des parfums, visite le tombeau, interroge le jardinier, reconnaît le Seigneur et court annoncer aux apôtres qu'elle vient de le revoir. Ceux-ci doutent, et elle croit. Cette sainte femme est , à vrai dire, la tour de candeur, la tour du Liban élevée en face de la sacrilège Damas, qui demande la mort du Sauveur comme une expiation de sang. Sara a passé l'âge de la maternité, et Dieu prescrit en ces termes à Abraham sa déférence pour elle : « Quelque chose que te dise Sara, écoute sa voix. » Sara avait passé l'âge d’être mère, et vous, Principia, vous ne l'avez jamais été. La vierge étouffe l'instinct des sens; elle porte, en elle-même le Christ; elle possède d'avance ce dont elle doit jouir. Rébecca va interroger le Seigneur; elle obtient pour réponse cet oracle magnifique: «Deux nations sont en son sein, et deux peuples sortiront de tes entrailles pour se diviser,» Elle donna le jour à deux races ennemies; et vous, le fruit que vous concevez, que vous portez dans votre sein, que vous engendrez chaque jour, est un par sa nature, fécond par son union, multiple par sa majesté , uni dans sa trinité. Marie, soeur de Moïse, chante les victoires du Seigneur, et Rachel illustre notre Bethléem, l'ancienne Ephrata, en en faisant le berceau de sa postérité. Les filles de Salphaad sont jugées dignes de recueillir l'héritage paternel, au milieu de ceux de leur tribu. La gloire de Ruth, d'Esther, de Judith est si éclatante qu'elles ont donné leurs noms aux livres sacrés. Anne la prophétesse met au monde un fils lévite, prophète, juge, portant au front l'onction sainte, et elle le présente au temple du Seigneur. La femme de Thécua embarrasse David par sa demande; elle l'éclaire par sa parabole et l'apaise par l'exemple de Dieu. L'Ecriture rapporte qu'une autre femme pleine de prudence, voyant sa ville assiégée et battue en brèche par le général Joab à cause d'un factieux qui s'y était renfermé , harangua ses concitoyens avec tant de sagesse que, par l'autorité de sa parole, elle écarta le danger qui menaçait tout un peuple. Parlerai-je de cette reine de Saba qui vint de l'extrémité de la terre entendre la sagesse de Salomon, et qui doit, comme Dieu l'a déclaré, être la condamnation de tant Jérusalem ? Les entrailles et la voix d'Elisabeth prophétisent. Anne, fille de Phanuel, à force d'assiduité au temple, devient elle-même le temple de Dieu, et par le jeûne de tous les jours trouve le pain céleste. Les femmes accompagnent le Sauveur et lui servent leur propre nourriture ; et lui qui avec cinq pains nourrit cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants, ne dédaigne pas d'accepter les aliments des saintes femmes. En parlant à la Samaritaine près du puits, il se nourrit de la conversion de la croyante et oublie le repas qui lui est préparé. Apollonius, homme apostolique et très versé dans la science des Ecritures, apprend d'Aquila et de Priscillien à connaître la vie de Jésus-Christ. Si un apôtre n'a pas rougi de recevoir l’instruction d'une femme, comment pourrais-je rougir d'instruire les femmes ainsi que les hommes?
