XI.
Mais l'ordre de la question présente me force d'expliquer dans quel sens je dis que l'âme est un esprit, parce |20 que la respiration appartient à une autre substance: en attribuant cette propriété à l'âme que nous reconnoissons simple et uniforme, il est nécessaire de déterminer les conditions de cet esprit, esprit non pas dans son essence, mais dans ses œuvres, non pas à titre de nature, mais à titre d'effet, parce qu'il respire, et non parce qu'il est proprement esprit. Car souffler, c'est respirer. Ainsi cette même âme, que nous soutenons être un souffle, en vertu de sa propriété, nous la déclarons en ce moment un esprit, en vertu de la nécessité. D'ailleurs nous prouvons contre Hermogène qui lui donne pour origine la matière et non le souffle de Dieu, qu'elle est à proprement parler un souffle. L'hérétique en effet, au mépris de l'autorité de l'Ecriture, traduit souffle par esprit, afin que, comme il est incroyable que l'esprit de Dieu tombe dans la prévarication et bientôt après dans le jugement, on en conclue que l'âme provient de la matière, plutôt que de l'esprit de Dieu. Voilà pourquoi ailleurs nous l'avons déclarée un souffle, et non un esprit, avec l'Ecriture et d'après la distinction de l'esprit, tandis que dans ce moment nous la nommons à regret un esprit, à cause de la réciprocité de la respiration et du souffle. Ailleurs, la question roulait sur la substance; car respirer est un acte de la substance.
Je ne m'arrêterais pas plus long-temps sur ce point, si ce n'était à cause des hérétiques qui introduisent dans l'âme, je ne sais quelle semence spirituelle, conférée par la secrète libéralité de la Sagesse, sa mère, et à l'insu de son auteur, tandis que l'Ecriture, qui sait un peu mieux les secrets de son Dieu et de son auteur, n'a rien promulgué de plus que ces mots: « Dieu souffla sur la face de l'homme un souffle de vie, et l'homme eut une âme vivante, » par laquelle il dut vivre désormais et respirer, faisant assez connaître la différence de l'âme et de l'esprit, dans les passages suivants, où Dieu lui-même parle ainsi: « L'esprit est sorti de moi, et j'ai créé toute espèce de souffles; » en effet l'âme est un souffle né de l'esprit; |21 et ailleurs: « Il a envoyé à son peuple sur la terre son souffle, et son esprit à ceux qui foulent aux pieds la terre. » Il communique d'abord l'âme, c'est-à-dire le souffle, au peuple qui marche sur la terre, c'est-à-dire qui vit charnellement dans la chair; puis, l'esprit à ceux qui foulent aux pieds la terre, c'est-à-dire, qui triomphent des œuvres de la chair, puisque l'Apôtre dit lui-même: « Ce n'est pas le premier corps qui est spirituel, c'est le corps animal; après lui, vient le spirituel. » Car quoique par ces paroles: « Voilà maintenant l'os de mes os, et la chair de ma chair; c'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils seront deux dans une seule chair, » Adam ait prophétisé sur-le-champ, « que ce sacrement était grand et qu'il signifiait le Christ et l'Eglise, » Adam fut momentanément ravi en esprit. L'extase, cette vertu de l'Esprit saint, qui opère la prophétie, descendit sur lui; car l'esprit mauvais n'est de même qu'un accident passager. Enfin, l'esprit de Dieu convertit autant dans la suite Saül « en un autre homme, » c'est-à-dire en prophète, lorsqu'il a été dit: « Qu'est-il arrivé au Fils de Cis? Saül aussi est-il prophète? » que l'esprit malfaisant le changea plus tard en un autre homme, c'est-à-dire en apostat. Le démon entra aussi dans Judas, qui fut compté pendant quelque temps parmi les élus, jusqu'à ce qu'il fût chargé de la bourse, déjà voleur, mais non encore souillé de trahison. Conséquemment si l'esprit de Dieu, ni l'esprit du démon n'est semé avec l'âme au moment de la naissance, il est donc reconnu qu'elle est seule, avant l'arrivée de l'un ou de l'autre esprit. S'il est établi qu'elle est seule, il en résulte encore qu'elle est simple, uniforme, et qu'elle ne respire par aucun autre principe, que par la condition même de sa substance.
