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Après avoir complété dans toutes ses parties la science de la grammaire, la raison dut étudier la faculté génératrice de l'art. Par ses définitions, par l'analyse et la synthèse, elle avait mis dans l'art l'ordre et la lumière, elle avait même su le prémunir contre toutes les attaques du mensonge. Mais comment songer à créer d'autres sciences ? Ne devait-elle pas remarquer auparavant la voie qu'elle avait suivie, les moyens qu'elle avait employés, les raisonner, les discuter et créer ensuite cet art des arts que l'on nomme la dialectique? C'est la dialectique qui apprend à enseigner et à étudier ; c'est dans la dialectique que la raison même se dévoile et montre ce qu'elle est, ce qu'elle veut, ce qu'elle peut. La dialectique se rend compte de ce qu'elle fait; seule aussi, non-seulement elle veut, mais elle peut communiquer la science.
N'est-il pas vrai toutefois que lorsqu'on veut inspirer aux insensés des sentiments vrais, beaux et utiles, la plupart ne s'attachent, point à la vérité elle-même? Si peu d'hommes, hélas ! la contemplent; presque toujours ils suivent l'inclination des sens et de l'habitude. Il ne suffisait donc pas de leur enseigner ce qui peut être à leur portée, il fallait surtout et souvent les émouvoir. Pour remplir ce rôle, plus nécessaire que souvent il n'est pur, il fallait pouvoir charmer le peuple et l'amener librement à ce qui lui est avantageux : la raison confia cette mission à la rhétorique.
Voilà jusqu'où s'éleva, par les études et les sciences libérales, cette partie raisonnable de nous-mêmes qui s'applique à la parole.
