44.
Quand on n'a point succombé devant ces difficultés; quand on a ramené à l'unité réelle et véritable tant de notions diverses recueillies dans toutes ces sciences; quand on mérite le nom d'homme instruit; on peut alors, sans témérité, chercher , non plus seulement à croire,. mais à contempler, à comprendre et à posséder les choses divines. Au contraire, est-on encore esclave des passions? soupire-t-on après les choses périssables? ou, quoiqu'on s'éloigne de ces faux biens et que l'on vive dans la chasteté, ignore-t-on ce qu'on entend. par le néant, la matière informe et les formes inanimées? N’a-t-on pas une juste idée du corps, de la beauté corporelle , du lieu , du temps, de ce qui est dans le lieu et dans le temps, du mouvement local et non local , du mouvement stable et de l'immortalité? Ne sait-on ce que c'est d'être quelque part sans être dans un lieu, ce que c'est que de n'être pas dans le temps et d'être toujours, ce que c'est que de n'être jamais et de n'être pas jamais? Si malgré tant d'ignorance on veut discuter et raisonner, je ne dis pas sur ce grand Dieu que l'on connaît mieux quand on sait qu'on ne le tonnait pas , mais sur l'âme elle même, on s'égarera autant qu'il est possible. Or on saura la réponse à toutes ces questions si l'on comprend les nombres abstraits et intelligibles; et pour comprendre ceux-ci, il faut de la force dans l'esprit, le loisir qu'assure l'âge ou une situation heureuse, un ardent amour de l'étude ; il faut de plus avoir parcouru convenablement et avec ordre les sciences que nous venons de rappeler. Car tous ces arts libéraux se rapportant soit aux usages de la vie , soit à la connaissance et à la contemplation de la vérité , il est très-difficile de s'y former à moins d'avoir beaucoup d'intelligence et de s'y être appliqué dès le jeune âge avec toute l'ardeur et toute la constance dont on est capable.
