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Voici de nombreux matériaux à mes pieds, je les rassemble sous une forme commune, j'en fais une maison. Je vaux mieux que cette maison, car le la fais et elle est faite; oui, je suis d'une nature supérieure par là même que je la fais; la chose n'est pas douteuse. Mais il ne s'ensuit point que je sois préférable à l'hirondelle, à l'abeille même. L'une construit artistement ses nids et l'autre ses rayons. Je leur suis supérieur, parce que je suis raisonnable.
Si cependant la raison consiste à observer des proportions convenables, n'y a-t-il pas des proportions aussi convenables et aussi justes dans ce que fabriquent les oiseaux? Tout n'y est-il pas exactement mesuré? Si donc je leur suis supérieur, ce n'est pas en agissant avec nombre, c'est en connaissant les nombres.
Quoi ? ces petits êtres, pouvaient-ils, sans les connaître, agir avec nombres? Ils le pouvaient à coup sûr. Comment l'expliquer? C'est que nous-mêmes, pour parler, nous faisons mouvoir la langue d'une manière déterminée contre les dents et le palais , sans toutefois nous rendre compte des mouvements que nous devons, lui imprimer alors. Voyez aussi un bon chantre : ignorât-il la musique, est-ce que le. sentiment naturel ne fait pas qu'il observe en chantant le rythme et la mélodie confiés à sa mémoire ? Se peut-il rien de mieux réglé? Il ne se rend compte de rien, il agit sous l'impression de la nature. En quoi donc est-il supérieur et préférable aux animaux? En ce qu'il sait ce qu'il fait. Ainsi la seule distinction qui m'élève au-dessus de l'être sans raison, c'est que je suis un animal raisonnable.
