CHAPITRE III.
GÉNÉALOGIE DES TROIS ENFANTS DE NOÉ.
Il faut considérer maintenant la généalogie des enfants de Noé, et en dire ce qui sera nécessaire pour marquer le progrès de l’une et de l’autre cité. L’Ecriture commence par Japhet, le plus jeune des fils de Noé, qui eut huit enfants1, l’un desquels en eut trois, l’autre quatre, ce qui fait quinze en tout. Cham, le second fils de Noé, en eut quatre, plus cinq petits-fils, dont l’un lui donna deux arrière-petits-fils, ce qui fait onze. Après quoi l’Ecriture revient à Cham et dit: « Chus (qui est l’aîné de Cham) engendra Nebroth, qui était un géant et un grand chasseur contre le Seigneur; d’où est venu le proverbe : Grand chasseur contre le Seigneur comme Nebroth. Les principales villes de son royaume étaient Babylone, Orech, Archad et Chalanné, dans le territoire de Sennaar. De cette contrée sortit Assur, qui bâtit Ninive, Robooth, Halach et, entre Ninive et Halach, la grande ville de Dasem2 ». Or, ce Chus, père du géant Nebroth, est nommé le premier entre les enfants de Cham, et l’Ecriture avait déjà fait mention de cinq de ses fils et de deux de ses petits-fils. Il faut donc qu’il ait engendré ce géant après la naissance de ses petits-fils, ou, ce qui est plus probable, que l’Ecriture l’ait cité à part, parce qu’il était très-puissant; car en même temps elle parle aussi de son royaume, qui prit naissance dans la fameuse Babylone et autres villes ou contrées déjà citées. Quant à ce qu’elle dit d’Assur, qu’il sortit de cette contrée de Sennaar, qui dépendait du royaume de Nebroth, et qu’il bâtit Ninive et les autres villes dont elle fait mention, cela n’arriva que longtemps après; mais elle en parle ici en passant et par occasion, à cause de l’empire fameux des Assyriens que Ninus, fils de Bélus et fondateur de cette grande ville de Ninive, qui prit son nom, étendit merveilleusement. Pour Assur, d’où sont sortis les Assyriens, il n’était pas fils de Cham, mais de Sem, aîné de Noé; d’où II paraît que, dans la suite, des descendants de Sem possédèrent le royaume de Nebroth, et, s’étendant plus loin, fondèrent d’autres villes dont Ninive fut la première. De là, l’Ecriture remonte à un autre fils de Cham, nommé Mesraïm, et à ses sept enfants, et elle en parle, non comme de particuliers, mais comme de nations, disant que de la sixième sortit celle des Philistins; ce qui en fait huit. Ensuite elle retourne à Chanaan, en qui Cham fut maudit, et fait mention d’onze de ses fils et de certaines contrées qu’ils occupaient. Ainsi toute la postérité de Cham monte à trente et une personnes. Reste à parler des enfants de Sem, aîné de Noé; car c’est lui qui termine cette généalogie. Mais il y a ici quelque obscurité dans la Genèse, où il n’est pas aisé de découvrir quel fut le premier fils de Sem. Voici ce qu’elle dit : « De Sem, père de tous les enfants d’Héber et frère aîné de Japhet, naquirent Ela, etc.3 » Par là, il semblerait qu’Héber fût fils immédiat de Sem, et cependant il n’est que le cinquième de ses descendants. Sem, entre autres fils, engendra Arphaxat, Arphaxat engendra Caïnan4, Caïnan engendra Sala, et Sala engendra Héber. L’Ecriure a voulu faire entendre par là que Sem est le père de tous ses descendants, tant fils que petits-fils et autres de sa race; et ce n’est des Septante et par saint Luc (III, 36), ne se trouve ni dans le texte hébreu, ni dans la Vulgate.
pas sans raison qu’elle parle d’Héber avant que de parler des fils de Sem, quoiqu’il ni soit, comme je viens de le dire, que le vingtième de sa race, à cause que c’est de lui que les Hébreux ont pris leur nom, bien qu d’autres veuillent que ce soit d’Abrabam, mais avec moins d’apparence5. Ainsi l’Ecriture nomme d’abord six enfants de Sem, l’un desquels en eut quatre; puis elle fait mention d’un autre fils de Sem qui lui engendra un petit-fils, et celui-ci un arrière-petit-fils dont sortit Héber. Héber eut deux fils, dont l’un fut nommé Phalec, c’est-à-dire Divisant, à cause, dit l’Ecriture, que de son temps la terre fut divisée; l’autre eut douze fils; de sorte que toute la postérité de Sem est de vingt personnes. De cette manière, tous les descendants des trois fils de Nué, c’est-à-dire quinze de Japhet, trente et un de Cham et vingt-sept de Sem, font soixante-treize. Après, l’Ecriture ajoute : « Voilà les enfants de Sem selon leurs familles, leurs langues, leurs contrées et leurs nations6 ». Et parlant de tous ensemble : « Voilà les familles des enfants de Noé, selon leurs générations et leurs « peuples : d’elles fut peuplée la terre après le déluge7 ». On voit par là que c’est de nations et non d’hommes en particulier que parle l’Ecriture, lorsqu’elle fait mention de ces soixante-treize, ou plutôt soixante-douze personnes, comme nous le montrerons ci-après, et que c’est pour cela qu’elle en a omis plusieurs de la postérité de Noé, non qu’ils n’aient eu des enfants aussi bien que les autres, mais parce qu’ils n’ont pas fait souche comme eux et n’ont pas été pères d’un peuple.
Saint Augustin suit en cet endroit, selon la remarque du docte Léonard Coquée, une version grecque de l’Ecriture qui donne à Japhet un huitième enfant du nom d’Elisa; mais cet Elisa ne se trouve ni dans le texte hébreu, ni dans la paraphrase chaldéenne, ni dans les manuscrits grecs que saint Jérôme a eus sous les yeux. Voyez le traité de ce Père : Quœst. hebr. in Genesim. ↩
Gen. X, 8 et seq. ↩
Gen. X, 21. ↩
Ce Caïnan, qui est donné par tous les manuscrits de la version ↩
Comp. Retract., lib. II, cap. 16. ↩
Gen. X, 31. ↩
... ↩
