CHAPITRE XII. LES FOLIES DE MANÈS. DU COMBAT QUI FUT LIVRÉ AVANT LA CRÉATION DU MONDE.
14. « Pattici, frère bien-aimé, dit-il, vous m'avez témoigné le désir de savoir si Adam et Eve sont nés de l'efficacité d'une parole créatrice, ou d'un corps déjà existant. Je vous donnerai une réponse satisfaisante. Sachez d'abord que cette origine du premier homme et de la première femme, est diversement racontée dans les différentes Ecritures. Il n'est donc pas étonnant que la vérité sur ce fait soit ignorée de l'universalité des peuples et de tous ceux qui cependant ont enfanté sur ce point de longues et nombreuses dissertations. Il leur eût suffi d'avoir sur la génération d'Adam et d'Eve des idées justes et sûres, pour ne se voir jamais soumis ni à la corruption ni à la mort ». Ainsi, on nous promet la claire révélation de cet événement, pour nous soustraire à la corruption et à la mort. Et si vous n'êtes pas encore satisfait, écoutez ce qui suit : « Il est donc nécessaire de faire précéder l'étude de ce mystère, de plusieurs notions préliminaires, afin qu'on puisse le saisir sans aucun embarras
C'est bien là ce que j'ai toujours demandé une démonstration si claire de la vérité qu'elle ne donne plus lieu à aucune hésitation. Supposez qu'il n'eût pas pris cet engagement, je n'aurais pas craint de l'exiger, afin qu'attiré par l'immense avantage de posséder une connaissance évidente et certaine, je pusse sans honte et malgré tous les contradicteurs, quitter le catholicisme peur me faire manichéen. Ecoutons donc.
15. « Veuillez tout d'abord, dit-il, examiner avec soin ce qui existait avant la création du monde, et comment fut engagé le premier combat ; ce premier point vous permettra de distinguer la nature de la lumière d'avec celle des ténèbres». Allons, voici qu'il débute par des choses aussi incroyables que fausses. Qui donc croira jamais qu'avant la formation du monde un grand combat était déjà engagé? Admettons même qu'on puisse le croire, je ne suis pas venu pour ne pas croire, mais pour connaître la vérité. Dire, par exemple, que les Perses et les Scythes se sont fait la guerre il y a de longs siècles, on peut le croire ; mais de ce que nous croyons une chose sur parole ou après lecture, cela ne prouve pas qu'elle nous est prouvée et bien connue. Je récuserais un orateur qui me tiendrait un semblable langage, en lui disant qu'il ne s'est pas engagé à m'annoncer ce qu'il me faudrait croire, mais à me faire comprendre la vérité sans me laisser aucune incertitude. Combien plus, dès lors, ne dois-je pas récuser un homme qui me débite non-seulement des choses incertaines, mais même des choses incroyables? Mais je réfléchis, peut-être va-t-il me rendre tout cela évident par des preuves inconnues? Prêtons donc, si nous le pouvons, une oreille patiente et docile à ce qui suit.
