CHAPITRE XXV. TOUTES LES CHOSES CRÉÉES PAR DIEU SONT BONNES, QUOIQUE DANS DES DEGRÉS DIFFÉRENTS.
27. Si vous admettez que Dieu, dans sa toute-puissance, puisse créer de rien quelque bien, faites-vous catholiques, et alors on vous enseignera que toutes les natures que Dieu a faites et créées, depuis les plus élevées jusqu'aux plus humbles, sont toutes substantiellement bonnes, quoique d'une bonté comparativement moindre ou supérieure; vous saurez ensuite qu'elles ont été créées de rien, parce que Dieu, dans sa sagesse et sa puissance, peut donner l'être à ce qui n'était pas. Donc, en tant que ces natures existent, elles sont bonnes; si elles sont imparfaites, leur imperfection ne vient pas de leur création même, mais de leur condition de natures créées de rien. S'agit-il, au contraire, de votre doctrine; plus vous l'envisagez, plus vous trouvez qu'elle ne repose sur aucun fondement. Cette terre de lumière, que vous décrivez avec complaisance, vous ne pouvez pas affirmer qu'elle soit de la même nature que Dieu, car alors vous seriez contraints d'enchaîner la nature même de Dieu dans cette honteuse figure quadrangulaire; vous n'osez pas davantage affirmer qu'elle était née de Dieu, car alors vous seriez obligés d'admettre qu'elle est ce qu'est Dieu lui-même, et vous retomberiez ainsi dans toute la honte du système; si vous avancez qu'elle est de la même nature que Dieu, c'est parce que vous reculez devant la nécessité logique d'admettre que Dieu aurait placé son royaume dans une terre étrangère et qu'il y aurait non pas deux, mais trois natures différentes; si vous soutenez que Dieu ne l'a pas faite d'une substance étrangère, c'est parce que votre système vous défend de conclure qu'il y ait quelque bien en dehors de Dieu, ou quelque mal en dehors de la nation des ténèbres. Quel autre parti vous reste-t-il donc à prendre, sinon d'admettre que Dieu a fait de rien la terre de lumière? et cependant vous ne voulez pas avouer que quelque grand bien que soit cette terre, elle est cependant inférieure à Dieu. Dieu peut créer de rien ; ensuite parce qu'il est bon et qu'il n'est l'ennemi d'aucun bien, il a pu créer d'autres biens, mais qui lui sont inférieurs; après en avoir créé un second, il a pu en créer un troisième, inférieur au précédent, (132 ) puis un quatrième et ainsi de suite jusqu'au bien le plus humble et le plus infime des natures créées, dont le nombre, loin d'être infini, est restreint dans une mesure déterminée. Enfin, si vous refusez d'avouer que ce soit de rien que Dieu ait créé cette terre de lumière, il ne vous reste plus aucun moyen d'échapper à ces opinions, aussi monstrueuses que sacrilèges.
28. Remarquez aussi que si vous pouvez donner champ libre à votre imagination, vous ne pouvez cependant donner une autre forme à l'union des deux terres dont nous parlons, quelque désir que vous ayez de rendre les choses moins horribles et moins repoussantes. Je parle de cette terre de Dieu, qu'elle soit de même nature que lui, ou d'une nature différente et dans laquelle, en toute hypothèse, il a établi son royaume. Nous avons entendu la description que vous en faites; nous l'avons vue, masse immense, s'étendre à l'infini, et par sa partie inférieure adhérer à ce coin de la terre des ténèbres, projetant, elle aussi, ses membres hideux et entr'ouverts à une distance incommensurable. Pour nous peindre l'union de ces deux terres, vous pouvez imaginer quelle figure il vous plaira, mais toujours est-il que vous ne pouvez anéantir la lettre de Manès; je ne parle pas des autres écrits dans lesquels il entre à ce sujet dans des détails plus précis; comme ils sont moins connus, ils peuvent être moins dangereux ; je parle spécialement de cette épître fondamentale que nous examinons en ce moment et qui est très-connue de tous ceux que vous appelez parmi vous du nom d'illuminés. Or, il est écrit dans cette lettre. « A côté de cette terre sainte et illustre, était la terre des ténèbres, d'une profondeur et d'une grandeur infinies ».
