CHAPITRE XXXVIII. LA NATURE EST L'OEUVRE DE DIEU, ET LA CORRUPTION, CELLE DU NÉANT.
44. Nous avons prouvé que la corruption, c'est le mal et qu'en cette qualité elle n'est pas l'oeuvre du Créateur, mais la conséquence du principe en vertu duquel nous avons établi que toutes les natures ont été créées de rien. Cependant, d'après l'ordre même établi par Dieu, la corruption ne peut nuire qu'aux natures inférieures, pour servir soit de supplice aux damnés, soit d'épreuve et d'avertissement à ceux qui rentrent dans la voie du bien et qui ont besoin de s'attacher au Dieu incorruptible et de demeurer incorrompus, ce qui pour nous est le seul bien nécessaire. En effet, le prophète nous dit : « Il m'est bon de m'attacher à Dieu1 ». Ne dites pas que Dieu ne devait pas faire les natures corruptibles. En effet, si Dieu les a faites, c'est en tant qu'elles sont natures, mais il ne les a pas faites en tant qu'elles sont corruptibles; il ne peut être l'auteur de la corruption, puisqu'il est l'incorruptibilité même. Si vous goûtez cette doctrine, rendez-en grâces à Dieu; si vous ne la goûtez pas, abstenez-vous de condamner témérairement ce que vous ne comprenez pas ; demandez l'intelligence à celui qui est la lumière véritable. En effet, quand nous unissons ces deux mots : nature corruptible, nous associons deux idées très-distinctes ; il en est de même quand nous disons : Dieu a créé de rien. Conservez à chacune de ces expressions sa signification particulière, et vous comprendrez que s'il s'agit de la nature, c'est à Dieu qu'il faut en attribuer l'existence; s'il s'agit de la corruptibilité, elle découle du néant. Toutefois, quoique la corruption ne soit pas l'oeuvre de Dieu, elle est un instrument soumis à sa puissance, pour confirmer l'ordre général et déterminer le mérite des âmes. Voilà pourquoi nous disons qu'il est l'auteur de la récompense et du supplice. Ce n'est donc pas Dieu qui a créé la corruption, mais il a le pouvoir de lui abandonner comme victime celui qui a mérité d'être corrompu, c'est-à-dire celui qui a déjà commencé à se corrompre lui-même par le péché et s'est ainsi exposé à ressentir tous les déchirements de la corruption, après n'avoir voulu goûter que ses séduisantes caresses.
Ps. LXXII, 28. ↩
