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Lisez avec un peu plus d'attention l'explication qu'a donnée de cette oraison le bien, heureux martyr Cyprien dans un livre par lui composé à ce sujet, et qui a pour titre: De l’Oraison dominicale; et vous verrez depuis combien d'années un antidote merveilleux a été préparé contre les poisons que les Pélagiens devaient répandre. Il y a trois choses que l'Eglise catholique enseigne principalement contre ceux-ci : d'abord, que la grâce de Dieu ne nous est point donnée à raison de nos mérites, parce que tous les mérites des justes sont des dons de Dieu, à eux conférés par la grâce divine : ensuite, que personne, à quelque degré de justice qu'il sort parvenu, ne saurait vivre dans cette chair de corruption sans commettre absolument aucun péché : enfin, que les hommes naissent coupables du péché d'Adam, et marqués du sceau de la réprobation jusqu'à ce que la souillure de leur origine soit effacée par le sacrement de la régénération. Ce dernier point seul n'est pas traité dans le livre susdit du glorieux martyr : mais les deux autres y sont discutés avec une telle clarté que les hérétiques dont nous venons de parler, ces nouveaux ennemis de la grâce du Christ, y ont été réfutés sans réplique longtemps avant leur naissance. Voici en quels termes le bienheureux Cyprien en soigne que, comme tous les mérites des saints, la persévérance elle-même n'est pas autre chose qu'un don de Dieu.
« Quand nous disons : Que votre nom soit sanctifié, nous ne souhaitons pas précisément que Dieu soit sanctifié par nos prières; nous lui demandons au contraire que son nom soit sanctifié en nous. Par qui du reste Dieu pourrait-il être sanctifié, puisque c'est lui-même qui, sanctifie? Mais parce qu'il a dit expressément : « Soyez saints, parce. que moi-même je suis saint1 », nous lui demandons dans nos prières la grâce de persévérer dans ce sue nous avons commencé à être lorsque nous avons été sanctifiés par le baptême». Un peu plus loin, traitant toujours le même sujet et voulant nous apprendre à demander au Seigneur la persévérance ( ce qui serait de sa part un contre-sens et une imposture s’il ne considérait point la persévérance comme étant aussi, un don de Dieu), il ajoute : « Nous demandons que cette sanctification demeure en nous : et parce que le Seigneur, qui est aussi notre juge, défendit à celui à qui il venait de rendre la santé et la vie, de pécher de nouveau, sous peine d'être exposé à des malheurs encore plus grands2, nous formons ce voeu et cette prière continuelle, nous faisons jour et nuit cette demande : Que la sainteté et la vie communiquées à nos âmes par la grâce de Dieu, y soient conservées par la protection. de ce même Dieu ». Lors donc que, étant sanctifiés, nous disons: « Que votre nom soit sanctifié », nous demandons à Dieu, d'après le sentiment de ce docteur, la persévérance dans cet état ; en d'autres termes, nous demandons à Dieu de persévérer dans la sanctification. Et en effet, demander une chose que nous avons reçue, n'est-ce pas précisément demander qu'on nous Accorde aussi la grâce de ne jamais perdre cette chose? Ainsi, quand un saint demande à Dieu d'être saint, il lui demande sans aucun doute de demeurer saint. Mais ce que nous disons ici de la sainteté, on peut le dire de la chasteté, de la virginité, de la justice, de la piété et des autres vertus que nous affirmons contre les Pélagiens être des dons de Dieu. Quand un homme chaste, quand un homme vierge, quand un homme juste, quand un homme pieux demande d'être chaste, d'être vierge, d'être juste, d'être pieux, il est certain qu'il demande de persévérer dans les biens qu'il sait avoir reçus. Et s'il obtient l'objet de sa demande, il reçoit par là même la persévérance, ce don suprême de Dieu qui consiste dans la conservation de tous les autres.
