7. Enseignements de saint Paul contre la paresse.
Saint Paul, ce grand médecin des âmes, connaissait dès l'origine cette contagion de la paresse qui pouvait les atteindre, et l'Esprit-Saint lui révéla sans doute qu'elle ferait des ravages parmi les religieux. Aussi se hâte-t-il de la combattre par les conseils les plus salutaires. En écrivant aux Thessaloniciens, il commence, comme un habile médecin, à traiter doucement ses malades et à les encourager par de bonnes paroles. Il les loue d'abord de leur charité, afin de calmer ainsi l'inflammation du mal et de pouvoir leur appliquer des remèdes plus énergiques, lorsque l'irritation de l'amour-propre ne sera plus à craindre. Quant à la charité fraternelle, leur dit-il, il n'est pas nécessaire de vous en parler, puisque Dieu vous a appris lui-même à vous aimer les uns les autres; et vous le faites aussi à l'égard de tous les frères qui sont dans la Macédoine. » (I Thess., IV, 9.) Après ce premier appareil de louanges, il les prépare à écouter avec patience les avis salutaires qu'il va leur donner : « Je vous exhorte, mes frères, à faire des progrès dans cet amour. » Il ajoute quelques douces paroles, dans la crainte qu'ils ne soient pas encore disposés à une guérison parfaite. Que leur demandez-vous, grand Apôtre, si ce n'est d'abonder de plus en plus dans la charité dont vous venez de dire : « Pour la charité fraternelle, il n'est pas nécessaire de vous en écrire. » Pourquoi donc ajouter : « Nous vous prions d'y abonder de plus en plus,» surtout lorsque vous venez de dire qu'il n'est pas besoin d'en parler et que vous en expliquez même la raison, en disant : « Dieu vous a enseigné lui-même à vous aimer les uns les autres. » Et vous allez plus loin, puisque vous dites que non-seulement Dieu les a enseignés, mais encore qu'ils pratiquent ses enseignements: « Car vous le faites, non-seulement pour un ou deux , mais pour tous vos frères; non-seulement pour vos concitoyens et pour ceux que vous connaissez, mais aussi pour la Macédoine tout entière. » Pourquoi tant de préparations, pourquoi leur dire encore : « Nous vous prions, mes frères, d'abonder de plus en plus dans la charité? »
L'Apôtre arrive enfin aux avis qu'il voulait leur donner : « Appliquez-vous, leur dit-il, à vivre en repos; c'est la première chose. » La seconde : « Faites ce que vous avez à faire. » La troisième : « Travaillez de vos mains, comme nous vous l'avons recommandé. » La quatrième : « Soyez honnêtes à l'égard de ceux qui sont hors de l'Église. La cinquième : « N'ayez rien à désirer de personne. » (I Thess., IV, 11.)
Voilà où voulait arriver saint Paul, en disant tout ce qui précède : « Appliquez-vous à vivre en repos, » c'est-à-dire à rester dans vos cellules, pour que les agitations qui naissent des désirs et de l'entretien des oisifs, ne vous tourmentent pas et ne vous fassent pas tourmenter les autres. « Appliquez-vous à faire ce que vous avez à faire, et non pas à rechercher par curiosité ce qui se passe et ce qui se dit dans le monde, pour nuire ensuite à la réputation de vos frères, au lieu de songer à vous corriger de vos défauts et à acquérir des vertus. « Appliquez-vous à travailler de vos mains comme nous vous l'avons ordonné. » C'est pour leur faire éviter ce qu'il leur avait défendu, c'est pour les empêcher de s'inquiéter, de s'occuper des affaires des autres, de se répandre au dehors et de désirer le bien d'autrui, qu'il leur dit de travailler de leurs mains; et il montre ainsi que l'oisiveté est la cause évidente des désordres qu'il vient de condamner. Car on ne peut être inquiet et occupé des affaires des autres, qu'en ne s'appliquant pas au travail des mains.
Il indique ensuite la maladie qui naît de la paresse : ne pas se conduire selon l'honnêteté. « Afin, dit-il, que vous viviez honnêtement avec ceux qui sont hors l'Église. » Un religieux ne peut vivre honnêtement avec les hommes du monde, s'il n'aime pas la paix de la cellule et le travail des mains; car il perd nécessairement de sa dignité, s'il est obligé de demander au dehors ce qu'il lui faut pour vivre; il deviendra flatteur, il recherchera les nouvelles et les occasions de les redire, pour être reçu partout et connaître les secrets des familles.
L'Apôtre ajoute : « Et afin que vous ne désiriez rien de personne. » On ne peut, en effet, s'empêcher de désirer les biens et les présents des autres, quand on ne se plaît pas à gagner son pain de chaque jour dans le silence et le travail. Vous voyez combien de désordres graves et honteux entraîne la paresse.
L'Apôtre, dans sa première Épître, avait parlé aux chrétiens de Thessalonique avec ménagement ; mais comme ils n'ont pas profité de ces doux remèdes, il leur en impose de plus énergiques dans la seconde. Son langage devient sévère; il ne leur dit plus : Nous vous prions, mes frères; mais : « Nous vous ordonnons, au nom de Jésus-Christ, Notre-Seigneur, de vous éloigner de tout frère qui se conduit d'une manière déréglée. » (II Thess., III, 6.) Il avait prié d'abord, il commande maintenant. Ce n'est plus l'affection d'un père, c'est la sévérité, la menace d'un maître : « Nous vous ordonnons, mes frères. » Vous n'avez pas voulu écouter nos prières, obéissez du moins à nos ordres. Ce commandement n'est pas simple, il s'impose au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ même, de peur que s'il venait de l'homme seulement, on ne lui obéît pas encore. Et aussitôt, comme un habile médecin, il applique le fer spirituel, il retranche les membres corrompus qu'il n'a pu guérir avec de doux remèdes. a Séparez-vous, leur dit-il, de tout frère qui se conduit d'une manière déréglée et qui ne vit pas selon les traditions que vous avez reçues de nous. » Il ordonne ainsi de se séparer de ceux qui ne veulent pas travailler, de les retrancher comme des membres corrompus par l'oisiveté, dans la crainte que la contagion de la paresse ne se répande comme un venin dans les parties saines des autres membres.
Remarquez combien l'Apôtre couvre de confusion ceux auxquels il va reprocher, de ne pas vouloir travailler de leurs mains, et manger en silence le pain de chaque jour. Il ordonne de s'en séparer; il les appelle des déréglés qui ne vivent pas selon la tradition; il les traite de rebelles qui ne suivent pas leurs règles et ne savent pas discerner le temps convenable pour sortir, faire des visites et parler. Ceux qui n'obéissent pas sont nécessairement dans tous ces désordres. « Ils ne vivent pas selon la tradition qu'ils avaient reçue de nous. » Ce sont par conséquent des révoltés qui méprisent non-seulement les enseignements, mais encore les exemples de l'Apôtre. « Car vous savez vous-même, ajoute-t-il, comment il faut nous imiter. » Il met ainsi le comble à ces reproches , en leur disant qu'ils n'observaient pas ce qu'ils devaient bien se rappeler, puisqu'il le leur avait appris encore plus par ses actions que par ses paroles.
