A DIDIER DE ROME
Sain Jérôme l’engage à faire le voyage de la Terre-Sainte; il lui parle de ses ouvrages.
Lettre écrite du monastère de Bethléem 396.
Après avoir lu la lettre que vous m'avez écrite , j'ai ressenti à la vérité une grande joie des témoignages d'estime que m'accorde un homme aussi respectable et aussi éloquent que vous; mais après m'être examiné moi-même, c'est avec une véritable douleur que je me trouve indigne de toutes les louanges que vous me donnez ; et vos éloges m'honorent moins qu'ils ne m'accablent. Car, vous le savez , notre religion veut que nous marchions dans la voie de l'humilité, et c'est par la pratique de cette vertu que les chrétiens arrivent à la gloire. plais enfin, qui suis-je et quelles grandes qualités brillent en moi pour mériter l'approbation d'un savant homme comme vous? et pourquoi celui dont je crains l'éloquence me place-t-il, en me répondant, au premier rang parmi les hommes éloquents du jour? Toutefois ,j'entreprends hardiment de m'acquitter envers vous de tous les devoirs de la charité chrétienne, puisque je ne puis prendre à votre égard la qualité de maître.
Je commence donc par féliciter votre sainte et vénérable soeur Sérénilla, qui, après avoir foulé aux pieds les agitations de ce monde, s'est élevée jusqu'à la tranquillité d'âme que son nom indique et que Jésus-Christ procure à ceux qui s'attachent à son service. Il est vrai que le nom qu'on vous a donné à vous-même semblait nous annoncer que vous auriez part aussi à ce même bonheur; car nous lisons que Daniel, ce prophète si saint, fut surnommé l'Homme de désirs et l'ami de Dieu, parce qu'il avait désiré comme vous de connaître les mystères des livres sacrés. Je m'acquitte donc avec plaisir de la mission que la vénérable Paula ln'a donnée, et je vous engage, avec toute l'affection que le Seigneur nous inspire, à visiter les saints lieux, afin que nous ayons la consolation de vous voir ici et de nous entretenir ensemble. S'il arrive que vous ne soyez pas content de nous et de notre société, vous aurez du moins la satisfaction d'avoir donné des marques de votre foi, en visitant les lieux consacrés par la naissance et la Passion du Sauveur, dont il semble qu'on voit encore des vestiges tout récents.
Je ne vous envoie aucun de mes ouvrages, parce qu'étant publiés et entre les mains de tout le monde, je craindrais de vous envoler ce que vous avez déjà ; néanmoins, si vous désirez les l'aire copier, vous pourrez emprunter les exemplaires de sainte Marcella qui demeure au mont Aventin, ou du très saint homme Domnion qu'on peut regarder connue le Lotit de notre siècle. Pour moi, attendant votre présence, je vous donnerai tout ce que vous voudrez; ou si quelque affaire vous empêche de venir, je vous enverrai tout ce que vous pourrez me demander. A l'instar du Suétone des Latins et de l'Apollonius des Grecs, j'ai écrit il y a quelques années le Livre des hommes illustres, qui commence aux Apôtres et finit aux auteurs de notre temps. Et après avoir parlé des grands hommes qui ont honoré l'Eglise par leur science, je me suis mis moi-même comme un avorton et le moindre de tous les chrétiens à la fin de cet ouvrage, afin de faire connaître aux lecteurs les livres que j'ai composés jusqu'à la quatorzième année du règne de l'empereur Théodose. Vous pouvez emprunter ce livre des personnes que je vous ai déjà nommées ; et dans le cas où il vous manquerait quelques-uns des ouvrages marqués dans le catalogue, je m'offre de vous les l'aire transcrire, si vous le souhaitez.
