ORIGÈNE
surnommé Adamantius, ayant perdu son père Léonide, qui reçut la palme du martyre dans la persécution allumée la dixième année du règne de Pertinax, resta pauvre à l'âge de dix-sept ans, avec sa mère et six frères. Ses biens avaient été confisqués à cause de sa religion. Vannée suivante il fut chargé, malgré sa jeunesse, de rallier les débris de l'Eglise d'Alexandrie, et il commença à y instruire les fidèles. Dans la suite Démétrius, qui en était évêque, lui donna la chaire de Clément le prêtre, et ses leçons jouirent longtemps de la plus grande vogue. Il avait déjà atteint la moitié de sa carrière quand il fut appelé à Athènes, pour concilier les Eglises d'Achaïe qui étaient déchirées par les hérésies. En passant à Césarée il fut ordonné prêtre par Théoctyste, évêque de cette ville, et par Alexandre, évêque de Jérusalem. Cette démarche offensa Démétrius, dont le ressentiment éclata avec violence, et qui écrivit de tous côtés pour le rendre odieux. Avant d'aller à Césarée, Origène avait fait un voyage à Rome sous l'épiscopat de Zéphyrin, et à son retour à Alexandrie il s'était adjoint pour son enseignement Héraclès,qui, tout prêtre qu'il était, avait conservé le costume des philosophes. Ce dernier gouverna l'Eglise après Démétrius.
On peut juger de l'immense réputation d'Origène par l'empressement qu'on mettait à l'attirer. Firmilianus, évêque de Césarée, le convia, ainsi que tous les fidèles de Cappadoce, à se rendre à Césarée, et il l'y conserva longtemps. Dans la suite, ayant été visiter les lieux saints, il s'arrêta encore à Césarée, où l'évêque le reçut comme son maître. Il vint ensuite à Antioche à la prière de Mammée, mère de l'empereur Alexandre, et femme pleine de piété : il y fut comblé d'honneurs. Il entretenait avec Philippe, le premier des empereurs romains qui embrassa la religion chrétienne, et avec sa mère, une correspondance que nous n'avons plus. On sait jusqu'à quel point il poussa l'étude des saintes Ecritures : malgré son âge déjà avancé et malgré la répugnance des Grecs pour la langue hébraïque, il se soumit à l'apprendre; il réunit dans le même volume la traduction des Septante, les éditions d'Aquila, prosélyte du Pont, de Théodotien l'Ebionite, etde Symmaque qui partagea aussi cette hérésie, et qui composa pour l'appuyer des commentaires sur l'évangile de Mathieu ; il se procura encore, à force de soins, trois autres éditions qu'il mit en regard des précédentes. J'ai entre les mains ces trois éditions qui ont fait partie de sa bibliothèque.
On peut trouver la liste des ouvrages d'Origène dans mes épîtres à Paula et à Varron :je ne les citerai donc point ici; il me suffira de dire,pour donner une idée de son immense génie, que ce grand homme connut la dialectique, la géométrie, la musique, la grammaire, la rhétorique, et qu'il approfondit tous les systèmes de philosophie. Une si grande variété de connaissances lui attira des disciples même parmi les hommes qui cultivaient la littérature: il en donnait tous les jours des leçons à une foule immense qui accourait pour l'entendre, et qu'il admettait dans l'intention de l'amener au christianisme tout en lui expliquant les lettres profanes. Il n'entre pas dans notre projet de parler de l'horrible persécution qui s'éleva sous le règne de Décius, comme une réaction contre la religion de Philippe, que cet usurpateur avait fait massacrer : Fabianus, évêque de Rome, y succomba ; Alexandre et Babylas, évêques de Jérusalem et d'Antioche, moururent en prison: Si on veut savoir quel fut la conduite d'Origène au milieu de cet orage, il faut consulter les épîtres qu'il écrivit après que la persécution fut apaisée; et en outré le sixième livre de l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée , et la Vie d'Origène en six volumes, par le mémé auteur. Il mourut à Tyr, âgé de soixante-neuf ans, sous les règnes de Gallus et Volusianus, et fut enterré dans cette ville.
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