XI.
Mais ce n'est pas seulement par l'abandon des anciennes croyances que nous vous ressemblons; nous pouvons aussi vous reprocher toutes les nouvelles et monstrueuses superstitions dont vous nous accusez. Quelques-uns de vous ont rêvé que notre Dieu était une tête d'âne. Tacite est le premier auteur de cette ridicule invention. Dans le cinquième livre de ses Histoires, où il parle de la guerre des Juifs, il remonte à l'origine de ce peuple. Après avoir dit sur leur origine, leur nom et leur religion, tout ce qu'il lui plaît d'imaginer, il raconte que les Juifs, dans une de leurs marches à travers de vastes déserts, et près de mourir de soif, furent conduits à une source par des ânes sauvages, qui allaient boire après avoir mangé. Il ajoute que, par reconnaissance pour ce bienfait, ils honoraient l'image de ces animaux. De là on a conclu, si je ne me trompe, que les Chrétiens, rapprochés par leur religion du culte judaïque, adoraient la même idole. Mais ce même Tacite, si fertile en mensonges, oubliant son affirmation de tout à l'heure, rapporte un peu plus loin que le grand Pompée, après avoir vaincu et fait prisonnier les Juifs, entra dans le temple de Jérusalem, et malgré des recherches minutieuses, n'y trouva aucun simulacre. Où devait donc résider ce dieu? Sa place était surtout dans ce temple célèbre fermé à tous, excepté aux prêtres, et où il n'y avait à craindre aucun regard étranger. Mais pourquoi nous justifier? Je n'ai promis pour le moment que des aveux pour attester que toutes les accusations retombent sur vous. Que notre Dieu soit le simulacre d'un âne, d'accord. Nierez-vous du moins que vous en fassiez autant? Il est certain que vous adorez toute la race des ânes, et avec leur déesse Epone, toutes les bêtes de somme, tous les troupeaux, tous les animaux, que vous consacrez eux et leurs étables. Voilà peut-être ce que vous reprochez aux Chrétiens, c'est que parmi ces adorateurs de toute sorte d'animaux, nous nous bornons à adorer l'âne.
