XVII.
Quant à l'orgueil et à l'opiniâtreté que vous nous reprochez, ici encore les comparaisons ne me manqueront pas. Le premier grief contre notre opiniâtreté, c'est que nous sommes impies envers la majesté des Césars, qui est la seconde religion, parce que nous n'adressons pas de voeux à leurs images et que nous ne jurons pas par leurs génies. Voilà pourquoi on nous appelle des ennemis publics; voilà pourquoi on nous appelle des ennemis de l'État. Eh bien! à la bonne heure. Vous autres Gentils, cependant, vous choisissez tous les jours vos Césars parmi les nations; l'un est médique, l'autre persique, un troisième germanique. Que le peuple romain cherche donc sur la terre des nations qu'il n'ait pas encore domptées, et qui soient étrangères à ses armes. Vous, cependant, vous conspirez contre nous par ceux qui ont été des nôtres. En vérité, nous reconnaissons volontiers la foi romaine envers ses empereurs. Jamais il n'éclata contre eux de conspiration; dans le sénat, au sein de leurs palais, jamais un scélérat ne rougit sa main de leur sang; jamais dans les provinces on n'usurpa la pourpre impériale. Les deux Syries exhalent encore l'odeur de leurs cadavres; les Gaules n'ont pas encore lavé ces flots de sang dans les eaux de leur Rhône.
Mais laissons de côté ces barbaries, puisque le nom romain n'en est pas coupable. Voyons ce que fait le vrai peuple de la Rome impériale, et comment il témoigne sa vénération. Ce qu'il fait! demandez-le à ces libelles satiriques que connaissent vos statues, à ces allusions détournées, à ces plaisanteries mordantes qui retentissent dans les amphithéâtres: peuple dont l'épée est soumise, dont la langue est toujours en révolte. Mais ne point jurer par le génie de César est un bien plus grand crime, n'est-ce pas? En effet, on sait que vous reculeriez à vous parjurer par les Empereurs, vous qui jurez avec tant de conscience par vos dieux! Mais nous ne consentons pas à dire, le dieu César. A ce mot, nous faisons la grimace, comme s'exprime le proverbe. Mais vous, pourquoi insultez-vous César en l'appelant dieu, puisque vous dites ce qui n'est pas? Pourquoi le calomniez-vous, puisqu'il ne veut pas être ce que vous dites? Car il aime mieux vivre, que devenir dieu.
