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Qu'y a-t-il dans tout cela de nécessaire au but que nous poursuivons? Je t'en prie, ma mère, ne t'effraie point à la vile de cette immense forêt. On y prendra un très-petit nombre d'idées essentielles et générales. Pour beaucoup, il est vrai, elles seront difficiles à saisir; mais pour toi dont l'esprit chaque jour me semble nouveau , pour toi dont je sais que le coeur a puisé dans l'âge ou dans une tempérance merveilleuse, la plus vive horreur de toute frivolité, et qu'au-dessus de toute corruption charnelle il est fort élevé en lui-même ; ces idées seront aussi faciles qu'elles sont difficiles aux esprits lourds et aux âmes plongées dans l'ignominie.
Je mentirais à coup sûr, si je te promettais de parvenir à une entière pureté de langage. Malgré l'urgente nécessité qui m'a obligé d'étudier ces matières, les Italiens me reprochent souvent de mal prononcer certains mots. Il est vrai qu'à mon tour je leur fais de semblables reproches; car autre chose est la certitude que donne la science, et autre celle que donne le pays. Il est même possible que l'oreille attentive des savants surprenne dans mon langage ce que nous appelons des solécismes ; je me souviens qu'on m'en a fait remarquer avec beaucoup d'habileté jusques dans Cicéron. Quant aux barbarismes, on en voit tellement aujourd'hui, que le discours qui sauva Rome, en paraît hérissé. Pour toi, méprisant ces questions puériles ou étrangères, tu connais si bien la nature et la puissance presque divine de la grammaire, que tu sembles, aux yeux des plus doctes, en avoir pris l'âme et jeté le cadavre.
