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Si je suis raisonnable, on définit aussi que je suis mortel: comment alors la raison est-elle immortelle? Ne le serait-elle pas? Un est à deux comme deux est à quatre. voilà une proportion absolument vraie; hier elle n'était .pas plus vraie qu'elle ne l'est aujourd'hui; ni demain, ni, dans un an elle ne le sera davantage; en vain tout ce mondé périrait-il, jamais cette proposition ne pourra cesser d'être vraie. En effet, elle est toujours la même, tandis que ce monde n'avait pas hier, n'aura pas demain ce qu'il possède aujourd'hui; aujourd'hui même le soleil n'est pas, durant une heure seulement, dans la même position pour le monde; et rien en lui ne demeure, non, rien né demeure un instant dans le même état.
Si donc la raison est immortelle et si je suis la raison, moi qui distingue ces principes et qui établis ces conclusions; ce qui en moi s'appelle mortel n'est pas moi. Si au contraire l'âme n'est pas la raison mais en fait usage, et si c'est la raison qui fait ma dignité, je. dois quitter ce qui est moins bon pour ce qui est meilleur, ce qui est mortel pour ce qui est immortel.
Telles sont et d'autres encore, les réflexions que l'âme bien instruite se fait en elle-même. Je ne veux point poursuivre; car en cherchant à vous faire connaître l'ordre, je pourrais dépasser la mesure qui produit l'ordre. Soutenue donc, non-seulement par la foi, mais encore par sa raison fortifiée, l'âme se forme aux bonnes moeurs et à la vie parfaite. Quand elle considère attentivement la valeur et la puissance des nombres, il lui semble indigne et étrangement déplorable de savoir rendre un vers coulant et jouer harmonieusement de la harpe, tandis qu'elle laisse sa vie et elle-même s'égarer hors de la voie, et qu'au souffle des passions le bruit honteux des vices établit en elle le plus criant désaccord.
