3.
Par conséquent notre réponse à l’objection tirée de l’Evangile, montre qu’il n’y a pas d’homme assez insensé pour que ce texte nous oblige à admettre que le Christ Jésus, médiateur entre Dieu et les hommes 1, n’ait pas eu d’âme. Mais à mon tour, je leur demande comment ils répondront aux objections que nous allons faire, aux innombrables passages de l’Evangile où nous démontrons avec tant de clarté, que l’on attribue au Sauveur des affections que l’âme seule peut éprouver.
Je ne parle pas de ce qu’il a dit tant de fois de lui-même : « Mon âme est triste jusqu’à la mort 2 ; » et encore : « J’ai le pouvoir de donner mon âme et de la reprendre 3 ; » et ailleurs : « Personne n’a un plus grand amour que celui qui donne son âme pour ses amis 4 » parce qu’un contradicteur obstiné peut dire que le Seigneur parlait en figure, comme on sait qu’il l’a souvent fait dans les paraboles. Certainement cela n’est pas. Cependant il n’est pas besoin d’insister sur ce point, quand nous avons les récits des évangélistes, qui nous apprennent que Jésus est né de la Vierge Marie, qu’il a été flagellé, crucifié, mis à mort, enseveli dans le tombeau : toutes choses qui ne peuvent s’entendre que d’un corps. Le plus insensé des hommes n’oserait dire que ce soient là des fictions ou des figures, quand ceux qui racontent ces choses écrivent d’après leurs propres souvenirs. De même donc que cela prouve que Jésus-Christ a eu un corps, ainsi toutes les affections propres à l’âme, mentionnées par ces mêmes évangélistes, démontrent qu’il a eu une âme. Par exemple : Jésus fut dans l’admiration 5 ; il se fâcha 6 ; il fut contristé 7 ; il se réjouit 8, et beaucoup d’autres expressions semblables ; sans compter celles qui indiquent tout à la fois les foncions du corps et de l’âme, comme : Il eut faim 9 ; il dormit 10 ; fatigué de la route, il s’assit 11, et autres du même genre.
On ne saurait nous objecter que dans l’ancien Testament on dit que Dieu s’est mis en colère, s’est réjoui ou a éprouvé d’autres affections de cette nature, sans qu’on en puisse conclure que Dieu ait eu une âme. Car alors on employait le langage figuré des prophètes ; on ne racontait pas. D’ailleurs on parle aussi des membres, des mains, des pieds, des yeux, de la face de Dieu et d’autres choses semblables ; et cependant ces expressions ne prouvent point qu’il ait eu un corps ; donc celles-là n’indiquent point qu’il ait eu une âme. Mais comme tous les récits où il est question de la main ou de la tête du Christ ou de quelque autre partie de son corps, indiquent qu’il a un corps ; ainsi tout ce que l’on raconte des affections de son âme, démontrent qu’il a une âme. Or il est absurde de croire à l’évangéliste quand il raconte que le Christ a mangé, et de n’y pas croire quand il dit qu’il a eu faim. Cependant il n’est pas nécessaire d’avoir faim pour manger : car nous lisons qu’un ange a mangé 12, et nous ne lisons pas qu’il ait eu faim ; il n’est pas non plus nécessaire de manger dès qu’on a faim, puisqu’on peut s’abstenir pour remplir quelque devoir, ou par défaut de nourriture, ou parce qu’on n’a pas le pouvoir de manger ; Mais quand l’Evangéliste parle de l’un et l’autre 13, il faut croire l’un et l’autre ; parce qu’il en parle comme de faits qui ont réellement lieu tous les deux. Or comme il n’est pas possible de supposer qu’on mange sans corps, de même on ne peut admettre qu’on ait faim sans âme.
