CHAPITRE III. LE CORPS LUI-MÊME VIENT DE DIEU.
3. Mais je n'ai pas à parler du corps; c'est de l'âme qu'il s'agit, du mouvement spontané et vif, de l'acte, de la vie, de l'immortalité. Comment ne rougirais-je pas de penser qu'il fut un temps où je refusais'à Dieu la création d'une substance qui résume en elle tant de précieuses qualités ! Ces qualités si nombreuses n'ont reçu de moi qu'un examen inattentif et négligent; c'est là ce qui arrache mes gémissements et mes larmes.
Ah ! maintenant, je roulerais en moi ces pensées, ces paroles, je les communiquerais à d'autres, je demanderais quelle est cette puissance intellectuelle à laquelle , dans l'homme, rien ne saurait être comparé. Ces hommes, si toutefois ils sont hommes, sont-ils convaincus de la vérité de cette parole? je leur demanderais aussitôt si c'est par les yeux, organes de la vue, qu'ils comprennent. Ils le nieraient et alors je conclurais que l'entendement surpasse infiniment l'organe de la vue j'ajouterais que l'objet qui, pour être perçu, exige un organe de beaucoup supérieur, doit être de beaucoup supérieur lui-même. De là j'arriverais à leur demander si cette âme, qu'ils disent mauvaise, est perçue par les yeux, ou seulement par l'intelligence. Par l'intelligence, répondraient-ils. Ces prémisses me suffiraient et je serais pleinement autorisé à conclure que cette âme qu'ils ont en exécration est de beaucoup supérieure à cette lumière qu'ils vénèrent, puisque celle-ci tombe dans le domaine des sens, tandis que l'autre ne relève que de l'entendement. Mais peut-être s'arrêteraient-ils ici , et refuseraient-ils de suivre la direction du bon sens; tant est irrésistible la puissance des anciennes opinions, et de l'erreur depuis longtemps acceptée et défendue ! Mais je battrais en brèche ces hésitations , j'insisterais davantage , sans amertume, pourtant, sans légèreté et sans aucune intention de blesser; je rappellerais tous les points concédés, et je montrerais ce qu'il faut concéder encore. Je les inviterais à se concerter entre eux , et à préparer en commun les réponses qu'ils auront à nous opposer; acceptez-vous que l'entendement soit supérieur à nos organes corporels, ou bien niez-vous que ce qui est perçu par la partie la plus excellente de l'âme, soit supérieur à ce qui n'est perçu que par un des vils sens du corps ? Ou bien encore refuseraient-ils d'admettre que ces âmes qu'ils ont en horreur, ne puissent être connues que par l'intelligence, c'est-à-dire par ce qu'il y a dans l'âme de plus excellent, tandis que la lune et le soleil pourraient être perçus autrement que par nos yeux? S'ils ne pouvaient se refuser à proclamer l'absurdité et la folie de ces négations, je leur aurais prouvé, par là même, qu'ils doivent conclure indubitablement que cette lumière pour laquelle ils ne nous inspirent que de la vénération est de beaucoup inférieure à cette âme dont ils proclamaient la bassesse, et pour laquelle ils ne nous inspiraient que de l'éloignement et de l'horreur.
