CHAPITRE V. LES AMES VICIEUSES, ET LA LUMIÈRE.
5. Tant extraordinaire qu'elle soit, voici une conséquence qui s'impose à nous avec toute la force de l'évidence. L'injustice, l'intempérance et tous les autres vices du coeur nous sont connus non pas par les sens, mais par l'intelligence. Ces vices, nous les réprouvons, nous les condamnons; et cependant, en tant du moins qu'ils sont perçus par l'intelligence, nous disons qu'ils l'emportent sur la lumière qui dans son genre mérite tous les éloges. Tenons notre esprit sous une parfaite dépendance à l'égard de Dieu, et nous comprendrons que de prime abord nous ne devons pas préférer ce que nous louons à ce que nous méprisons. Parce que je loue le plomb à cause de son extrême pureté , ce n'est pas à dire pour cela que je (estime plus que l'or mêlé à l'alliage. Chaque chose, en effet, doit être envisagée dans son genre particulier. Je blâme un jurisconsulte pour qui un grand nombre de lois sont lettre morte, et cependant je le crois encore tellement supérieur au plus habile cordonnier, que je rougirais de les comparer l'un à l'autre. Mais je loue ce dernier à cause de l'aptitude qu'il déploie dans son art, et je blâme l'autre de se montrer inférieur à sa profession. De même je dis que l'on doit louer la lumière parce qu'elle est parfaite en ce qu'elle est; mais parce qu'elle est de la catégorie des choses sensibles, qui le cèdent de beaucoup aux choses intelligibles, je dis qu'elle est inférieure, même aux âmes injustes et intempérantes, parce que ces âmes sont des substances - spirituelles: et cependant je ne serais que juste en les jugeant dignes de damnation ; mais alors je ne cherche plus ce qui les rend supérieures à la lumière, mais ce qu'elles devraient être pour se rendre dignes de Dieu.
Je me résume; si vous prétendez que cette lumière vient de Dieu, je suis d'accord avec vous; mais je soutiens en même temps que nous sommes encore bien plus autorisés à dire que les âmes, même vicieuses, non pas en tant qu'elles sont vicieuses, mais en tant qu'elles sont âmes, ont dû nécessairement être créées par Dieu.
