CHAPITRE XVII. NUL HOMME VIVANT NE SERA JUSTIFIÉ EN VOTRE PRÉSENCE.
38e Raisonnement.
On nous objecte, dit l'auteur, cet autre passage : « Nul homme vivant ne sera justifié en votre présence1 ». La réponse qu'il oppose n'a. d'autre résultat que de mettre encore la sainte Ecriture en contradiction avec elle-même. Notre devoir, à nous, est de dissiper cette contradiction apparente. « Nous pouvons », dit-il, « réfuter nos adversaires en leur citant ce qui est dit de Zacharie et d'Elizabeth ». « Zacharie et Elizabeth , son épouse, étaient tous deux justes en présence du Seigneur, marchant sans reproches dans l'observation de tous les commandements et des justices du Seigneur2 ». Or, ces justes avaient trouvé parmi les commandements celui qui leur enseignait à se purifier de leurs péchés. En effet, Zacharie était prêtre, et, comme tel, selon la parole de saint Paul dans l'Epître aux Hébreux, il offrait des hosties pour ses propres péchés3. Ces mots : « sans reproche » doivent s'entendre selon l'interprétation que j'ai donnée plus haut, de paroles semblables4.
L'auteur ajoute : « Le bienheureux Apôtre nous invite à nous rendre saints et immaculés en présence de Dieu5 ». En effet, nous devons tendre sans cesse à le devenir, surtout si nous ne pouvons être immaculés qu'à la condition d'être absolument sans péché. Mais s'il suffit de n'avoir aucun crime sur la conscience, nous ne pouvons nier qu'il ne se trouve sur la terre des hommes immaculés; car on peut n'être coupable d'aucun crime, sans que pour cela on soit absolument sans péché. Voilà pourquoi, dans les règles qu'il trace pour l'ordination des ministres sacrés, l'Apôtre n'exige pas qu'ils soient sans péché, car une telle condition serait impossible à réaliser; il se contente d'exiger que l'on soit « sans crime », condition parfaitement réalisable1.
Enfin, notre auteur ne nous dit pas comment nous devons entendre ces paroles : « Nul homme vivant ne sera justifié en votre présence ». Pourtant le verset précédent rend très-facile l'interprétation de ces paroles ; nous y lisons : « N'entrez pas en jugement avec votre serviteur, parce que nul homme vivant ne sera justifié en votre présente ». David craint le jugement, parce qu'il désire la miséricorde et que la miséricorde l'emporte sur le jugement. Ces mots N'entrez pas en jugement avec votre serviteur » signifient : Veuillez ne pas me juger selon vous qui êtes sans péché, « parce que nul homme vivant ne sera justifié en votre présente »; du moment qu'il s'agit de cette vie, cette proposition ne saurait offrir de difficulté, et ces mots : « ne sera justifié » doivent s'entendre de la justification pleine et entière, à laquelle on ne saurait prétendre en cette vie.
