CHAPITRE V. LE PÉCHÉ ET LA CHARITÉ.
11e Raisonnement.
« Demandons de combien de manières se commet le péché. De deux, si je ne me trompe, c'est-à-dire en faisant ce qui est défendu ou en ne faisant pas ce qui est commandé. Or, tout ce qui est défendu peut être évité, comme tout ce qui a est commandé peut être accompli. En effet, pourquoi la défense et pourquoi le commandement, si ni l'une ni l'autre ne peuvent être observés? Et comment nier que d'homme puisse être sans péché, quand gnous sommes forcés d'avouer qu'il peut éviter ce qui lui est défendu, comme il peut accomplir ce qui lui est prescrit?» le réponds que la sainte Ecriture renferme un grand nombre de préceptes divins. qu'il serait trop long d'énumérer. Qu'il me suffise de remarquer que le Seigneur, qui a fait sur la terre une parole restreinte et abrégée, a résumé en deux préceptes la Loi et. les Prophètes, pour nous faire mieux comprendre que tous les autres commandements ont te même but et le même objet que les deux suivants : «Vous aimerez le Seigneur votre Dieu, de tout votre coeur, de toute votre âme et de tout votre esprit, et vous aimerez votre prochain comme vous-même. Dans ces deux préceptes se résument la Loi et les Prophètes1».
Par conséquent, tout ce que la loi de Dieu nous commande de faire ou d'éviter se borne à l'accomplissement de ces deux préceptes. Comme il y a une défense générale : « Vous ne convoiterez pas2», il y a une prescription générale : «Vous aimerez3 ». Ces deus points se trouvent brièvement formulés par l'apôtre saint Paul. Voici la défense : « Ne vous conformez pas à ce siècle » ; voici le commandement : « Mais réformez-vous dans la nouveauté de votre esprit4 ». C'est toujours sous une autre forme ces deux grandes paroles: «Vous ne convoiterez pas », « Vous aimerez », l'une se rapportant à la continence et l'autre à la justice; la première prescrivant de s'abstenir du mal et la seconde de faire le bien. En renonçant à la concupiscence, nous nous dépouillons de la vieillesse, et en aimant, nous revêtons l'homme nouveau.
Or, personne ne peut être continent si Dieu ne lui en fait la grâce; et la charité de Dieu est répandue dans nos coeurs, non point par nous-mêmes, mais par le Saint-Esprit qui nous a été donné5. C'est là ce qui se fait de jour eu jour dans tous ceux qui avancent par la volonté, par là foi et par la prière et qui, oubliant ce qui est passé, s'efforcent de tendre vers ce qui est en avant6. En effet, si l'homme se sent faiblir dans l'accomplissement de ces préceptes, la loi lui ordonne, non point de se gonfler d'orgueil, mais de recourir à la grâce; et c'est ainsi gaze tout en l'effrayant, cette même loi, jouant le rôle de pédagogue, le conduit à l'amour de Jésus-Christ.
