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L'évêque de Milan a choisi, pour s'exprimer ainsi, un livre écrit par lui sur la fuite du siècle, et où il enseigne que cette fuite doit se faire non pas de corps, mais de coeur : et il a prouvé que cela n'est possible que par le secours de Dieu. « Nous parlons fréquemment », dit-il, « de la nécessité de fuir ce siècle; et plût à Dieu que notre sollicitude à cet égard fût aussi active et aussi prudente que nos paroles sont abondantes ! » mais, ce qu'il y a de plus déplorable, le charme des convoitises terrestres s'insinue à chaque instant dans nos esprits, qui se trouvent ainsi envahis par une multitude de frivolités; et de cette manière la pensée de a ce que nous cherchons à éviter est sans cesse présente à notre âme. Il est difficile à l'homme de se mettre en garde contre ce a piége, et il lui est impossible de s'en garantir complètement. Enfin le Prophète déclare que c'est là un voeu plutôt qu'une réalité : Inclinez mon coeur vers votre loi, et non point vers l'avarice1 . Notre coeur, en effet, et nos pensées ne sont pas en notre pouvoir; ils envahissent d'une manière imprévue notre esprit et notre âme, et après y avoir jeté ainsi le trouble, nous entraînent là où nous n'avions pas dessein d'aller : ils nous rappellent aux choses du siècle, nous suggèrent des sentiments mondains, allument en nous les flammes de la volupté, présentent à nos regards des attraits séducteurs, et au moment même où nous sommes disposés à élever nos esprits, nous nous trouvons le plus souvent ramenés vers les choses de la terre par les pensées vaines a qui nous captivent2 ». Le pouvoir de devenir enfants de Dieu n'appartient donc pas aux hommes : c'est Dieu qui le leur donne3. Ils reçoivent en effet ce pouvoir de celui qui fait naître dans le coeur humain ces pensées pieuses qui d'abord forment en nous la foi, pour que cette foi agisse ensuite par la charités ; mais pour acquérir ce bien précieux, et le conserver, pour le faire croître avec persévérance jusqu'à la fin, nous sommes incapables de former aucune pensée comme de nous-mêmes : notre pouvoir à cet égard vient de Dieu, qui tient en sa puissance notre coeur et nos pensées. 4
