19.
Vous poursuivrez encore en disant : « Pourquoi n'a-t-il pas donné la persévérance finale à certains hommes qui l'adoraient sincèrement?» Pourquoi, dites-moi, sinon parce qu'il ne ment point, celui qui a dit: « Ils sont sortis d'avec nous, mais ils n'étaient pas des nôtres; car s'ils avaient été des nôtres ils seraient certainement demeurés avec nous1 ? » Est-ce à dire pour cela qu'il y a deux natures humaines différentes ? A Dieu ne plaise ! Si ces deux natures existaient, il n'y aurait aucune grâce, par la raison que la délivrance ne serait donnée gratuitement à personne, dès lors qu'elle serait payée comme une dette à l'une de ces deux natures. Il semble aux hommes que tous ceux qui paraissent être de véritables fidèles, auraient dû recevoir la persévérance finale. Mais Dieu a jugé qu'il serait mieux de mêler au nombre.déterminé de ses saints quelques hommes qui ne doivent pas persévérer, afin de rendre toute sécurité impossible à ceux à qui il n'est pas utile de vivre exempts de crainte au milieu des épreuves de cette vie. Car cette parole de l'Apôtre réprime dans beaucoup de coeurs un funeste penchant à l'orgueil : « C'est pourquoi », dit-il, « que celui qui paraît être ferme, prenne garde de tomber2 ». Celui au contraire qui tombe ne doit imputer sa chute qu'à sa propre volonté ; tandis que celui qui reste debout, est redevable de sa fermeté à la volonté de Dieu. « Car Dieu a le pouvoir de l'affermir3 ». Ce n'est donc pas à lui-même, mais à Dieu, qu'il est redevable de sa fermeté. Aussi il est avantageux de ne pas chercher à s'élever, mais de craindre4. Nos propres pensées sont la cause immédiate de nos chutes ou de notre fermeté. Mais,suivant une parole de saint Paul que j'ai rappelée dans le livre précédent : « Nous ne sommes pas capables de former aucune pensée comme de nous-mêmes : c'est Dieu qui nous donne ce pouvoir5 ». Le bienheureux Ambroise ne craint pas de dire, en s'appuyant sur l'autorité de l'Apôtre : « Notre coeur et nos pensées ne sont pas en notre pouvoir ». Et quiconque a une piété humble et sincère, doit sentis que cela est parfaitement vrai.
