CHAPITRE XXXIV.
CE QU’IL FAUT ENTENDRE PAR LE MARIAGE D’ABRAHAM AVEC CÉTHURA, APRÈS LA MORT DE SARRA.
Que signifie le mariage d’Ahraham avec Céthura1 après la mort de Sarra2 ? Nous sommes loin de penser qu’un si saint homme l’ait contracté par incontinence, surtout dans un âge si avancé. Avait-il encore besoin d’enfants, lui qui croyait fermement que Dieu lui en donnerait d’Isaac autant qu’il y a d’étoiles au ciel et de sable sur le rivage de la mer? Mais si Agar et Ismaël, selon la doctrine de l’Apôtre3, sont la figure des hommes charnels de l’Ancien Testament, pourquoi Céthura et ses enfants ne seraient-ils pas de même la figure des hommes charnels qui pensent appartenir au Nouveau? Toutes deux sont appelées femmes et concubines d’Abraham, au lieu que Sarra n’est jamais appelée que sa femme. Quand Agar fut donnée à Abraham, l’Ecriture dit : « Sarra, femme d’Abraham, prit sa servante Agar dix ans après qu’Abraham fut entré dans la terre de Chanaan, et la donna pour femme à son mari4 ». Quant à Céthura, qu’il épousa après la mort de Sarra, voici comment l’Ecriture en parle:
« Abraham épousa une autre femme nommée Céthura5 ». Vous voyez que l’Ecriture les appelle toutes deux femmes; mais ensuite elle les nomme toutes deux concubines: «Abraham, dit-elle, donna tout son bien à son fils Isaac; et quant aux enfants de ses concubines, il leur fit quelques présents, et les éloigna de son vivant de son fils Isaac, en les envoyant vers les contrées d’Orient6 ». Les enfants des concubines, c’est-à-dire les Juifs et les hérétiques, reçoivent donc quelques présents, mais ne partagent point le royaume promis , parce qu’il n’y a point d’autre héritier qu’Isaac, et que ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont fils d Dieu, mais les enfants de la promesse7, Dieu dont se compose cette postérité de qui il a été dit : « Votre postérité sortira d’Isaac8 ». Je n vois pas pourquoi I’Ecriture appellerait Céthura concubine, s’il n’y avait quelque mystère là-dessous. Quoi qu’il en soit, on ne peu pas justement reprocher ce mariage à ce patriarche. Que savons-nous si Dieu ne l’a point permis ainsi afin de confondre, par l’exemple d’un si saint homme, l’erreur de certain hérétiques9 qui condamnent les seconde noces comme mauvaises? Abraham mourut10 à l’âge de cent soixante et quinze ans; son fils en avait soixante et quinze, étant venu au monde la centième année de la vie de son père.
Au témoignage de saint Jérôme, la tradition hébraïque identifiait Céthura avec Agar. ↩
Gen. XXV, 1. ↩
Galat. IV, 24. ↩
Gen. XVI, 3. ↩
Ibid. XXV, 1 ↩
Ibid. 5. ↩
Rom. XX. 8. ↩
Gen. XXX, 12. ↩
Ces hérétiques sont les cataphryges ou cataphrygiens, branche de la grande secte des gnostiques. Voyez saint Augustin, De haeres. ad Quodvultdeum, haer. 26. ↩
Gen. XXV, 17. ↩
