2.
[3] L'action de payer le trompeur selon son mérite en le trompant à son tour, montre la justice, et l'intention du procédé atteste la bonté de son auteur. Le propre de la justice, en effet, est d'attribuer à chacun les résultats dont il a auparavant posé les fondements, et semé les causes, de même que la terre rend des fruits en rapport avec la nature des semences qui y ont été jetées. Le propre de la sagesse, d'autre part, est de ne pas s'écarter, dans la façon dont on rend la pareille, de l'amélioration qu'on se propose. [4] L'empoisonneur et le médecin qui traite la victime d'un empoisonnement mélangent également une drogue à sa nourriture, mais entre les mains du premier, c'est le poison, dans celles du second, le remède du poison, et le procédé du traitement n'altère en rien le caractère bienfaisant de l'intention : si l'un et l'autre mêlent une drogue à la nourriture, nous savons du moins, en considérant leur dessein, louer l'un et blâmer l'autre. Il en est de même ici. Le trompeur reçoit à son tour, selon la règle de la justice, ce qu'il a semé par un acte de sa volonté propre (car il est trompé, lui aussi, par l'homme qu'on lui présente en appât, lui qui avait le premier trompé l'homme par l'amorce du plaisir) ; mais l'intention du procédé en change avantageusement le caractère.
[5] L'un avait exécuté sa tromperie en vue de corrompre la nature; l'autre, à la fois juste, bon et sage, a imaginé la tromperie pour sauver celui qui avait été corrompu, faisant ainsi du bien non seulement à la créature perdue, mais encore à l'auteur de notre perte. Le rapprochement de la vie et de la mort, de la lumière et des ténèbres, de l'incorruptibilité et de la corruption, amène la disparition et l'anéantissement de l'élément inférieur, pour le bien de celui qui est délivré de ces maux.
[6] Quand il s'est mêlé à l'or une matière moins précieuse, les ouvriers qui en ont le soin font disparaître par le feu l'élément étranger que contient l'or et qui doit être éliminé, et ramènent ainsi à son éclat naturel la matière la plus précieuse; cette séparation toutefois ne va pas sans peine ; il faut du temps pour que le feu fasse disparaître l'impureté par sa puissance de destruction, et c'est une sorte de traitement qu'on applique à l'or en faisant fondre l'élément même dont la présence a pour effet d'altérer sa beauté.
