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Je t'écoute avec joie, repris-je. Car ce qui me plait, ce qui m'encourage, ce ne sont point tes paroles qui manquent de vérité, mais l'affection sincère dont elles sont l’expression, Et justement nous avons dessein d'envoyer cet écrit à un homme qui a aussi l'habitude de dire avec plaisir beaucoup de mensonges quand il parle de nous. Si d'autres viennent à le lire, je ne crains pas non plus qu'ils te blâment. Qui ne pardonne volontiers l'erreur où l'on tombe en jugeant un ami?
En faisant mention de Pythagore, tu as obéi à je ne sais quel ordre secret et divin. J'avais effectivement oublié une chose fort importante et que je loue presque chaque jour, tu le sais1: c'est que, s'il faut ajouter foi à l'histoire, et comment n'en pas croire Varron ? ce grand homme n'enseignait qu'en dernier lieu la science du gouvernement; il voulait auparavant que ses disciples fussent déjà instruits, déjà parfaits, déjà sages, déjà heureux. Il voyait dans le gouvernement de tels orages, qu'il ne voulait y exposer qu'un homme capable d'éviter les écueils par une sagesse presque divine et, au besoin, d'arrêter lui-même les flots. Du sage seulement on peut dire en toute vérité
Comme un roc immobile, il résiste aux tempêtes :
et tout ce qu'expriment en ce sens les beaux vers qui suivent2.
Ici finit l'entretien, et tous pleins de joie et d'espérance nous levâmes la séance, quand déjà on avait apporté les flambeaux.
Traduction de M. l’abbé RAULX.
