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Déjà donc voilà trois espèces de choses où la raison a visiblement laissé son empreinte. La première comprend les actions rapportées à une fin déterminée; la seconde, les paroles; et la troisième l'agrément. Dans la première, la raison nous avertit de ne rien faire témérairement ; dans la seconde, d'enseigner la vérité ; dans la troisième, de contempler avec bonheur. La première a rapport aux moeurs , les deux autres, aux arts et aux sciences dont nous nous occupons actuellement.
En effet , la partie raisonnable de nous-mêmes, celle qui fait usage de la raison pour produire ou imiter des oeuvres rationnelles, s'aperçut que naturellement l'homme devait vivre en société avec ceux qui comme lui avaient la raison en partage. Mais aucune société humaine ne peut solidement s'établir sans le langage, sans ce moyen de communiquer les pensées et les sentiments. Il fallut donc donner aux choses des noues, c'est-à-dire fixer des sons pour les exprimer. On ne peut voir l'esprit d'autrui; mais le langage en frappant les sens devait unir les âmes.
Cependant on ne pouvait percevoir les paroles des absents; la raison imagina les lettres, ces caractères qui représentent, sans les confondre, tous les sons formés par le mouvement de la langue et de la bouche. Mais comment parler et écrire en restant dans un vague immense, en ne déterminant. rien ? C'était impossible, cette impossibilité même fit remarquer l'utilité du calcul; or, cette invention de l'écriture et du calcul donna naissance à la profession des copistes et des calculateurs. On était comme à l'enfance de la grammaire, ou, comme dit Varron, aux « éléments des lettres, litterationem. » Je ne suis pas assez sûr, pour le moment, du terme qui correspond dans la langue grecque à l'expression latine.
