5.
Cependant il est vrai de dire que « cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. 1 » En effet, si l'homme coupable de fautes légères, ou même de fautes graves et nombreuses, obtient la miséricorde de Dieu, à force de gémissements, de douleurs et de regrets, ce n'est point là son oeuvre, puisque, abandonné à lui-même, il aurait péri, mais celle du Dieu compatissant, qui s'est laissé toucher par ses prières et son repentir. En effet c'est peu de chose de vouloir, si Dieu ne fait miséricorde; mais Dieu, qui invite à la paix, ne fait miséricorde qu'autant que la volonté a pris l'avance 2 : car la paix sur la terre est pour les hommes de bonne volonté 3. Et comme personne ne peut vouloir s'il n'est prévenu et appelé, soit au dedans, là où l'oeil de l'homme ne pénètre pas, soit extérieurement par la parole ou par quelques signes visibles, il en résulte que c'est encore Dieu qui opère le vouloir en nous 4.
En effet tous ceux qui furent invités au festin préparé, dont parle le Seigneur dans l'Evangile, ne voulurent pas y venir; et ceux qui y vinrent ne l'auraient pu, s'ils n'y eussent été invités 5. Ainsi ceux qui vinrent ne peuvent se l'attribuer, parce qu'ils durent être invités pour venir; et ceux qui ne vinrent pas ne peuvent en accuser qu’eux-mêmes, puisque, étant appelés, ils étaient libres devenir. La vocation est donc le principe de la volonté, antérieurement au mérite. Donc si quelqu'un peut s'attribuer d'être venu quand on l'a appelé, il ne peut s'attribuer d'avoir été appelé. Quant à celui qui ne vient pas, quoique appelé, de même que sa vocation n'était point le fruit de ses mérites, ainsi son refus de se rendre à l'appel devient le principe de sa condamnation. Par là se trouveront réunies ces deux choses : « Je célèbrerai en vous, Seigneur, la miséricorde et la justice 6. » La vocation est l'oeuvre de la miséricorde; à la justice se rattachent et le bonheur de ceux qui ont été appelés et sont venus, et le supplice de ceux qui n'ont pas voulu venir. Pharaon ignorait-il tout le bien que l'arrivée de Joseph avait procuré à l'Egypte 7 ? La connaissance de ce fait était une invitation à ne pas se montrer ingrat, et à traiter avec bonté le peuple d'Israël. Pour n'avoir point cédé à cet appel, pour s'être montré cruel envers ceux qu'il devait traiter avec humanité et douceur, il a mérité que son coeur fût endurci et son esprit aveuglé au point de ne pas croire à des signes si nombreux et si éclatants de la puissance de Dieu; et, soit par son endurcissement soit par sa submersion visible dans la mer Rouge, de servir de leçon au peuple même qu'il avait persécuté injustement, jusqu'à s'attirer cette double punition 8.
