4.
Une formule de langage résout toute la difficulté. C'est effectivement un usage ordinaire dans l'Écriture de dire qu'une chose, qui existe toujours, se fait en quelqu'un, au moment même où elle commence à se manifester en lui. C'est ainsi que nous disons dans l'oraison dominicale : « Que votre nom soit sanctifié?, » comme si ce nom n'était pas toujours saint. Donc ce mot «soit sanctifié, » signifie soit connu comme saint. De même ici ces paroles. « Lorsqu'il aura remis le royaume à Dieu et au Père,1 » signifient alors qu'il aura prouvé que son Père règne, en sorte que ce que le fidèle croit et ce que l'infidèle nie maintenant, soit réellement et clairement démontré. Or il anéantira toute principauté et toute puissance, en manifestant d'une manière certaine le règne de son Père ; et tous sauront qu'aucun des princes ni des puissants, soit dans le ciel soit sur la terre, n'a eu pair lui-même la principauté ou la puissance, mais par le don de Celui par qui tout est non-seulement créé, mais établi à sa place. En effet au jour de cette manifestation, personne ne conservera plus le moindre espoir dans un prince ou dans un homme ; c'est ce que le prophète proclame dès à présent : « Il vaut mieux espérer en Dieu qu'espérer en l'homme : il vaut mieux placer sa confiance en Dieu que dans les princes 2 ; » il veut par cette considération que l'âme s'élève déjà jusqu'au royaume du Père, n'estime d'autre autorité que la sienne et se garde d'une fatale complaisance en elle-même. Le Christ remettra donc le royaume à Dieu et au Père, alors que, par lui, le Père sera connu tel qu'il est. Car son royaume est formé de ceux en qui il règne maintenant par la foi. Autre en effet est le règne du Christ en tant que Dieu, et exerçant son empire sur toutes les créatures ; autre son règne dans l'Église, qui a foi en lui et lui dit : « Possédez-nous 3, » bien qu'il possède toutes choses. L'Apôtre dit dans le même sens : « Lorsque vous étiez esclaves du péché, vous étiez libres à l'égard de la justice 4. » Il anéantira 'donc toute principauté, toute puissance et toute vertu en ce" sens que quiconque verra le Père par le Fils n'aura plus ni besoin ni envie de se complaire en sa propre puissance, ni en aucune puissance créée.
