32.
S'ils disent que l'on ne doit même pas croire au Christ à moins d'une raison irréfutable, dès lors ce ne sont plus des chrétiens. C'est le reproche que nous font certains païens, à tort sans doute, mais en cela ils ne sont pas en désaccord avec eux-mêmes. Comment dire qu'ils se reconnaissent appartenir au Christ, ces hommes qui prétendent que, à moins d'avoir reçu d'eux la preuve très-nette de l'existence de Dieu, les insensés ne sont pas tenus de croire? Mais nous voyons par l'Evangile, auquel eux-mêmes ajoutent confiance, comme le Christ nous apprend qu'il a voulu avant tout et surtout qu'on crût en lui, alors que ceux avec lesquels il était en relation, n'étaient pas encore à même de comprendre les mystères divins. Y a-t-il en effet un autre sens à attacher à tant de miracles éclatants, quand lui-même dit qu'il ne faisait ces miracles que pour qu'on eût confiance en lui ? Lui menait les insensés par la foi, vous, vous les menez par la raison. Il disait hautement que l'on crût en lui, vous, vous criez le contraire. Il louait les hommes de foi, vous, vous les décriez. Eût-il changé l'eau en vin1, pour ne citer que ce trait, s’il eût pu par son enseignement seul et sans recourir à des actes de ce genre, entraîner les hommes à sa suite ? Ne faut-il tenir aucun compte de cette parole « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi2? » Ou encore faut-il accuser de témérité l'homme qui ne voulut pas que le Christ entrât dans sa maison, croyant qu'à un mot de lui seulement la maladie de son serviteur cesserait3? Ainsi donc le Christ, en apportant le remède qui devait guérir l'effroyable corruption des mœurs, s'est concilié l'autorité par des miracles, a mérité la confiance par son autorité, a rassemblé par la foi la multitude des peuples, par cette multitude a obtenu l'ancienneté, par l'ancienneté a consolidé leur religion ; de sorte que non-seulement les étranges innovations des hérétiques aidées de leur fourberie, mais même les visibles erreurs des peuples en lutte violente avec cette religion, n'ont pu la renverser en partie.
