7.
Quant à l'analogie qui fait ressortir l'accord entre les deux Testaments, dirai-je que tous ceux dont les Manichéens reconnaissent l'autorité, s'en sont servis, quand eux-mêmes peuvent voir combien de choses ils disent avoir été introduites dans les saintes Ecritures par je ne sais quels corrupteurs de la vérité? Cette assertion m'a toujours paru , même quand j'étais leur disciple, sans aucun fondement, et non-seulement à moi, mais à toi aussi, je me le rappelle, et à tous ceux qui, comme nous, mettaient à juger un soin un peu plus grand que la foule des fidèles. Maintenant, qu'un grand nombre de questions, qui me tenaient fort en peine, sont pour moi éclaircies et résolues, celles par exemple où se complaît le plus souvent leur jactance, et qu'ils développent avec d'autant plus d'enthousiasme que, n'ayant pas d'adversaire, ils le font avec plus de sécurité; je trouve que c'est le comble de l'impudence, ou, en termes plus doux, de l'inadvertance et de la faiblesse d'esprit, d'aller dire que les Ecritures saintes sont falsifiées, quand ils ne peuvent prouver ce fait pour aucun des exemplaires publiés à une époque si rapprochée de nous. S'ils disaient qu'ils n'ont pas cru devoir les accepter entièrement , parce qu'elles sont l'œuvre d'hommes qu'ils ne croient pas être des écrivains véridiques, ce serait en définitive un faux-fuyant honnête, ou une erreur pardonnable. C'est là ce qu'ils ont fait pour le livre intitulé les Actes des Apôtres. Mais leur dessein, quand j'y réfléchis en moi-même, me confond d'étonnement. Car ce que je désire ici, c'est moins la sagesse dans ces hommes que la déférence. Ce livre, en effet, renferme tant de choses semblables à celles qu'ils admettent, qu'à mon avis il est bien étrange à eux de ne pas l'accepter, sauf à dire que ce qui les y blesse est faux et interpolé. Ou, si un tel langage est inconvenant, comme il l'est en effet, pourquoi accordent-ils quelque valeur aux épîtres de Paul et aux quatre évangiles, où il y a peut-être proportionnellement beaucoup plus qu'il n'a pu s'en trouver dans les Actes des Apôtres, de ces choses qu'ils veulent faire passer pour des interpolations d'écrivains corrupteurs? Mais voici à ce sujet ce qu'il m'en semble, et je te prie d'examiner avec moi la chose tranquillement et avec tout le calme de la réflexion. Tu sais que les Manichéens, cherchant à faire mettre leur maître Manichée au nombre des apôtres, disent que l'Esprit-Saint, que le Seigneur a promis d'envoyer à ses disciples, est venu à nous en la personne de Manichée lui-même. Mais en admettant les Actes des Apôtres, où l'arrivée du Saint-Esprit est clairement rapportée1, ils ne sauraient comment prouver que ce passage a été interpolé. Ils veulent, en effet, qu'il y ait eu avant Manichée même je ne sais quels corrupteurs des Livres saints, corrupteurs qui désiraient concilier la loi des Juifs avec l'Evangile. Or, ils ne peuvent soutenir que le passage concernant le Saint-Esprit est corrompu, à moins d'affirmer que ces corrupteurs ont lu dans l'avenir, et inséré dans leurs livres un fait qu'on invoquerait plus tard contre Manichée, quand celui-ci déclarerait que le Saint-Esprit a été envoyé en sa personne. Mais nous parlerons du Saint-Esprit une autre fois et plus en détail; pour le moment, revenons à notre sujet.
Act. II, 2-4. ↩
