33.
Je ne suis pas à même de t'instruire, mais je peux du moins te donner des avis. Ainsi donc, comme beaucoup de gens veulent qu'on les prenne pour sages, et qu'il n'est pas facile de distinguer si ce ne sont pas au contraire des insensés, je t'engagerai sans cesse à prier Dieu de toutes tes forces, de tous tes voeux, même avec des gémissements et des pleurs, si c'est possible, polir qu'il te délivre du mal de l'erreur, si tu as à cœur de vivre heureux. Tu atteindras plus facilement ce but, si tu obéis docilement à ses préceptes, qu'il a voulu confirmer par -la haute autorité de l'Eglise catholique. Car, comme le sage est uni d'esprit avec Dieu, de manière qu'il n'y a rien entre eux qui les sépare ; (Dieu en effet est la vérité, et l'on ne peut être sage qu'autant que l'on atteint la vérité par l'intelligence); nous ne pouvons nier qu'entre la folie de l'homme et la vérité divine et sans mélange, il existe un intermédiaire qui est la sagesse humaine. Le sage en effet imite Dieu autant qu'il est donné de le faire, l'insensé au contraire n'a rien à imiter salutairement qui soit plus près de lui que le sage. Dieu, comme nous l'avons dit, n'étant pas facile à saisir par la raison, il fallait que les yeux mêmes dont l'insensé se sert plus facilement que de l'intelligence, fussent frappés par certains miracles, afin que les hommes, ébranlés par cette autorité, purifiassent leur vie et leurs mœurs, et devinssent ainsi propres à recevoir la raison. Comme il s'agissait donc d'imiter un homme, sans placer son espoir dans un homme, quelle preuve plus grande pouvions-nous recevoir de la bonté et de la générosité céleste, que de voir la Sagesse même de Dieu, cette Sagesse pure, éternelle, immuable, daigner prendre la forme humaine, non-seulement pour faire des actions qui devaient nous engager à suivre Dieu, mais encore pour souffrir des tortures qui nous détournaient de suivre Dieu ? Car, comme on ne peut arriver au bien absolu et certain qu'en l'aimant d'un amour entier et parfait, ce qui est chose impossible tant que l'on redoute les maux physiques et les coups du sort; le Christ par sa naissance merveilleuse et sa vie de labeurs s'est concilié l'affection, tandis que par sa mort et sa résurrection il a dissipé nos craintes. Dans toutes les mitres circonstances, qu'il serait trop long d'énumérer, il s'est conduit de manière à nous faire comprendre jusqu'où peut être poussée la clémence divine, et jusqu'où peut aller la faiblesse humaine.
