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Les choses ainsi établies, et, à mon avis, elles sont si justes que je dois gagner ma cause auprès de toi, quel que soit mon adversaire, je vais te faire connaître, autant que possible, la route que j'ai suivie, alors que je cherchais la vraie religion dans cet esprit qui doit, comme je viens de l'exposer, présider à cette recherche. Dès que je vous eus quittés et que j'eus traversé la mer, je me sentis hésitant, incertain de ce que je devais croire, de ce que je devais rejeter. Cette hésitation augmenta de jour en jour du moment où j'entendis cet homme, dont l'arrivée nous était promise, tu le sais, comme celle d'un envoyé du ciel, destiné à lever tous nos doutes, cet homme enfin qu'à part une certaine éloquence, j'ai reconnu être tel que les autres hommes. Je me mis à réfléchir en moi-même, à délibérer longuement, dans cette Italie où j'habitais, me demandant, non pas si je resterais dans cette secte où je me repentais de m'être engagé, mais de quelle manière je trouverais la vérité, pour laquelle, tu le sais mieux que personne, j'ai versé tant de soupirs. Souvent cette vérité me semblait ne pouvoir être trouvée, et, dans le tumulte de mes pensées, je me sentais entraîner vers la philosophie académique. Puis, me reprenant à considérer de toutes mes forces l'esprit humain, si vif, si pénétrant, si perspicace, je me disais que, si la vérité lui restait cachée , c'était uniquement parce que le moyen de la chercher restait caché en elle, et qu'il fallait demander ce moyen lui-même à quelque autorité divine. Restait à savoir quelle était cette autorité, puisque, dans ce conflit d'opinions, chacun promettait de la faire connaître. Devant moi se présentait donc une forêt d'opinions sans issue, dans laquelle je regrettais beaucoup de m'être engagé; et, pendant ce temps, mon esprit était tourmenté sans repos ni trêve du désir de trouver la vérité. Toutefois, je me détachais de plus en plus des Manichéens que j'avais résolu d'abandonner.
Dans une situation si périlleuse, il ne me restait qu'à supplier avec des larmes et d'une. voix lamentable la divine Providence de me' prêter secours. C'est ce que je faisais assidûment, et déjà quelques entretiens de l'évêque de Milan m'avaient à peu près ébranlé, de sorte que je désirais, non sans quelque espoir, étudier dans l'Ancien Testament même, bien des passages qu'on nous avait fort mal présentés, comme tu le sais, et que nous avions en horreur. J'avais enfin résolu d'être catéchumène dans l'église où j'avais été élevé par mes parents, jusqu'à ce. que je pusse trouver ce que je désirais, ou me persuader qu'il fallait renoncer à mes recherches. Aussi eût-il trouvé en moi un disciple bien préparé et fort docile, le maître qui, à cette époque, aurait pu m'instruire. Si donc tu vois que ton âme ait été agitée longtemps comme la mienne et par des soucis semblables, s'il te semble que tu aies déjà été assez ballotté, si enfin tu veux mettre un terme aux ennuis de cette espèce ; suis la voie de la doctrine catholique, qui est venue de Jésus-Christ lui-même par les Apôtres jusqu'à nous, et qui passera de nous aux générations futures.
