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Je le demande en effet : si l'on ne doit pas croire ce qu'on ne sait pas, comment des enfants seront-ils soumis à leurs parents, et rendront-ils affection pour affection à des personnes qu'ils ne croiront pas être les auteurs de leurs jours? Car c'est là une chose que la raison est impuissante à faire connaître. En ce qui concerne le père, on croit sur l'intervention et l'autorité de la mère; pour la mère elle-même, on s'en rapporte non à son témoignage, mais à celui des sages-femmes, des nourrices, des serviteurs. Car celle à qui l'on peut dérober son fils pour lui en substituer un autre, ne peut-elle pas, étant trompée, tromper à son tour? Nous croyons cependant à ses paroles, et nous y croyons sans aucune hésitation, parce que nous avouons que nous ne pouvons savoir. Sans cela ne verrait-on pas la piété filiale, ce lien sacré de la société, dédaignée et outragée par le crime? En effet, quel homme est assez insensé pour trouver blâmable celui qui rendrait les devoirs d'usage aux personnes qu'il croirait être ses parents, dut-il se tromper? Qui, au contraire, ne jugerait digne d'extermination celui qui n'aurait pas le moindre amour pour des personnes qui sont peut-être ses parents véritables, parce qu'il craint que son amour ne se trompe d'objet? On peut donner bien des raisons qui prouvent que rien absolument dans la société ne reste debout, si nous sommes décidés à ne rien croire, parce que nous ne pouvons pas avoir une connaissance exacte.
