CHAPITRE PREMIER. LES PREMIÈRES PAROLES DE LA GENÈSE.
« Au commencement Dieu créa le ciel et la terre », jusqu'à ces mots: « Et du soir et du matin se fit le premier jour1 ». Dans leur folle extravagance les Manichéens ne craignent pas de mettre en contradiction ce chapitre de la Loi avec l'Evangile; ils soutiennent que dans la Genèse il est écrit que Dieu créa par lui-même le ciel, la terre et la lumière, tandis que dans l'Evangile il est dit que le monde a été créé par Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Et le monde a été créé par lui, et le monde ne l'a pas connu2 ». Je leur oppose une triple réfutation. Premièrement, dans ces paroles « Au commencement Dieu créa le ciel et la « terre », le chrétien reconnaît la Trinité elle-même, non-seulement le Père, mais aussi le Fils et le Saint-Esprit. En effet, nous ne croyons pas trois Dieux, mais un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, tout en proclamant que le Père est véritablement Père, que le Fils est véritablement Fils, que le Saint-Esprit est véritablement Saint-Esprit. Il serait trop long de discuter- ici- cette unité imposante de la Trinité. Secondement ces mots : « Dieu dit : Que cela soit, et cela fut », nous prouvent clairement que c'est par le Verbe que tout a été fait. Or, le Verbe c'est le Fils du Père. Comment dès lors voir une contradiction entre cette parole de la Genèse : « Et Dieu dit : Que cela soit, et cela fut », et cette autre parole de l'Evangile : « Le monde a été fait par lui », c'est-à-dire par Notre-Seigneur. Jésus-Christ n'est-il pas en effet le Verbe du Père, par qui tout a été fait? Troisièmement enfin, si parce que la Genèse ne dit pas que c'est par le Fils que Dieu a tout fait, on veut en conclure que le Fils est resté étranger à la création; il faut donc aussi conclure de l'Evangile que ce n'est pas par le Fils que Dieu nourrit les oiseaux, et donne au lis son vêtement3, et accomplit une foule d'autres oeuvres semblables, que Notre-Seigneur attribue à son Père sans ajouter qu'il les réalise par son Fils? Les Manichéens vont plus loin encore. Citant ce passage de l'Apôtre relatif à Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Il est le premier-né de toute créature : et tout a été fait par lui au ciel et sur la terre, les choses visibles et invisibles4», ils soutiennent qu'il est en contradiction avec le chapitre de la Genèse, où il est dit, sans aucune mention du Fils, que Dieu créa le monde. Se peut-il une erreur plus profonde ? Comment alors ne pas voir que l'Apôtre se met en contradiction avec lui-même, quand il dit, dans un autre endroit, en parlant de Jésus-Christ seul: « De qui tout procède, par qui tout a été « fait, en qui tout existe5?» Et cependant il ne nomme pas le Fils. Mais quoique son nom ne s'y trouve, pas, n'y est-il pas suffisamment désigné? Il en est de même pour le passage de la Genèse. Il n'y a donc pas plus de contradiction entre la Genèse et l'Evangile, qu'il n'y en a entre ces deux passages de l'Apôtre.
