CHAPITRE VIII. OEIL POUR OEIL, DENT POUR DENT.
Nous lisons dans l'Exode : « Oeil pour oeil, dent pour dent1 ». Les Manichéens, à la vue de ces signes de vengeance permis parla loi, s'indignent et soutiennent que le contraire est clairement enseigné dans l'Evangile. En effet, le Sauveur a dit lui-même : «Vous savez qu'il a été dit aux anciens : Oeil pour oeil, dent pour dent; et moi, je vous dis de ne point opposer la violence à celui qui vous fait du mal; si quelqu'un vous frappe sur une joue, présentez-lui l'autre; quiconque veut disputer contre vous et vous enlever votre tunique, abandonnez-lui votre manteau2 ». Sur cette matière, nous signalons en effet une différence entre les deux Testaments, en affirmant néanmoins qu'ils sont révélés par un seul et même Dieu. D'abord il n'était que trop naturel à des hommes charnels, de porter la vengeance beaucoup plus loin que ne l'avait été l'injure dont ils se plaignaient; voilà pourquoi on établit comme premier degré de douceur que la vengeance ne dépasserait pas la mesure de l'offense. C'était assez dans certaines circonstances, pour que l'offensé, qui d'abord ne pouvait supporter l'injure, se sentît porté à la pardonner. Le Sauveur, par les enseignements de l'Evangile, apporta une augmentation de grâce qui devait produire une paix plus solide entre les hommes; il ajouta donc un second degré pour parvenir à la douceur, en promettant que celui qui jusque-là n'avait appris qu'à proportionner la vengeance à l'injure, se trouverait heureux de faire une condonation pleine et entière de l'outrage reçu. Dans l'Ancien Testament, le Prophète annonce déjà ce pardon généreux : « Seigneur mon Dieu, si j'ai fait cela, si l'iniquité est dans mes mains, si j'ai rendu le mal pour le mal3 ». Un autre prophète dit de l'homme qui supporte patiemment les injures, sans chercher à en tirer vengeance : « Il présentera sa face à celui qui le frappe, il sera rassasié d'opprobres4 ». De là on peut conclure que la défense portée contre les hommes charnels, de pousser la vengeance plus loin que l'injure, et le pardon absolu et sans condition sont, non-seulement prescrits par le Nouveau Testament, mais encore prédits dans l'Ancienne Alliance.
