CHAPITRE XXII. UN PROFANATEUR DU SABBAT CRUELLEMENT PUNI.
Le livre des Nombres nous rapporte qu'un malheureux, surpris, le jour du sabbat, à ramasser du bois hors du camp, fut immédiatement lapidé sur l'ordre de Dieu1. D'un autre côté, nous lisons dans l'Evangile que le Sauveur, un jour de sabbat, guérit un homme frappé de paralysie à la main2. Or, cette guérison n'est pas l'oeuvre de l'homme, mais celle de Dieu; et Dieu a pu opérer ce miracle sans sortir de son repos; il lui a suffi d'une parole et le prodige a été accompli. Il n'y a donc aucune relation à établir entre ce fait, et celui de l'homme surpris à recueillir du bois le jour du sabbat, et lapidé par l'ordre de Dieu. J'ai déjà souvent parlé de l'observation servile du sabbat et de la mort temporelle comme châtiment. Sous le règne de la charité, c'est la bonté de Dieu qui éclate, comme sous le règne de la crainte c'est la sévérité qui se manifestait. De même, avant la venue du Sauveur, parce que les mystères ne devaient être exposés aux regards de la foule que sous l'enveloppe des figures légales, aucune invitation n'était faite aux Juifs de comprendre les symboles, on se contentait de les forcer à accomplir les préceptes qui leur étaient imposés. En effet, ce n'était pas encore par l'esprit qu'ils appartenaient à Dieu, et c'était sine obéissance toute charnelle qu'ils rendaient à la loi. Je m'étonne donc que les Manichéens s'apitoyent si tristement sur le sort de ce malheureux, lapidé sur l'ordre de Dieu, parce qu'il désobéissait à la loi, tandis qu'ils n'ont aucune larme à verser sur le figuier qu'une seule parole de Jésus-Christ dessécha tout à coup, quoiqu'il n'eût violé aucun précepte3 ; oublieraient-ils que, d'après leur système, les arbres ont une âme de même nature que les hommes?
