37.
Quant aux autres juges, vous ne pouvez assurément les récuser à aucun titre. Irénée, Cyprien, Réticius, Olympius, Hilaire, Grégoire, Basile, Ambroise et Jean de Constantinople sont-ils sortis de la lie plébéienne des sédentaires pour s'éprendre tout à coup de jalousie contre vous ; car c'est ainsi que vous les raillez, à la manière de Tullius? Etaient-ils des soldats? des écoliers? des matelots? des cabaretiers ? des pêcheurs? des cuisiniers? des bouchers? de jeunes renégats de monastères? Enfin, appartenaient-ils, comme vous dites, à cette foule de clercs dont l'agitation provoque votre causticité ou plutôt votre vanité méprisante, sous prétexte qu'ils ne peuvent juger des dogmes selon les catégories d'Aristote? Vous qui vous plaignez qu'on vous refuse un examen et un jugement épiscopal, pouvez-vous donc réunir un concile de Péripatéticiens, où l'on puisse du moins, selon toutes les règles de la didactique relatives au sujet et à l'extension du sujet, lancer une sentence solennelle contre le péché originel? Ces évêques sont savants, graves, saints, courageux défenseurs de la vérité contre toute vaine loquacité de l'erreur ; considérez-les au point de vue de la raison, de l'érudition et de la liberté, trois qualités que vous exigez dans un juge, et vous ne trouverez en eux que des titres à votre estime. Supposé qu'on rassemble en synode tous les évêques de la terre, je doute que l'on trouve autant de grands docteurs que je vous en ai cités. La raison en est que ces saints évêques n'ont pas tous vécu à la même époque ; et Dieu, suivant ses desseins et son bon .plaisir, n'accorde que de temps à autre, et dans tel ou tel lieu, quelqu'un de ces fidèles et glorieux dispensateurs, qu'il juge utiles à l'accomplissement de ses décrets. Voilà pourquoi, invoquant ces évêques de différentes époques, de l'Orient et de l'Occident, je les ai rassemblés, non pas dans un lieu vers lequel nous dussions naviguer, mais dans un livre qui pût parvenir à chaque homme, dût ce livre pour cela traverser les mers. Autant ces juges vous seraient précieux, si vous étiez catholique; autant ils vous paraissent redoutables, parce que vous attaquez la foi catholique. Cette foi, ils l'ont sucée avec le lait, ils l'ont prise avec leur nourriture; ce lait et cette nourriture, ils les ont départis aux petits et aux grands, et les ont défendus avec autant d'évidence que de courage contre leurs ennemis, quels qu'ils fussent, même contre vous qui n'étiez pas encore né, et qui vous révélez de nos jours. Depuis les Apôtres; la sainte Eglise s'est accrue par les labeurs de ces évêques chargés de planter, d'arroser, de construire, de paître et de nourrir. Voilà pourquoi elle a frémi au bruit sinistre de vos nouveautés sacrilèges; rendue prudente et sobre par l'avertissement de l'Apôtre, se rappelant qu'Eve s'était laissé séduire par la ruse du serpent, et, ne voulant pas se corrompre en se séparant de la chasteté qui est en Jésus-Christ1, elle s'est trouvée saisie d'horreur à la vue des embûches que votre erreur tendait à la virginité de la foi chrétienne, et, s'armant d'un courage divin, elle a broyé, écrasé, anéanti la tête du serpent. Dans ces paroles et cette imposante autorité de nos saints docteurs, ou bien vous trouverez votre guérison par la miséricorde de Dieu, et c'est pour vous mon désir le plus cher; ou bien, et je frémis à cette pensée, vous vous endurcirez dans ce qui vous paraît la sagesse, et n'est que la plus grande folie. Mais alors, ce ne sont plus des juges que vous chercherez, pour vous justifier devant eux; dans ces saints docteurs, dans ces illustres défenseurs de la foi catholique, vous ne voudrez plus voir qu'autant de coupables à accuser ; Irénée, Cyprien, Réticius, Olympius, Hilaire, Grégoire, Basile, Ambroise, Jean, Innocent, Jérôme, et avec eux tous leurs collègues, voire même toute l'Eglise de Jésus Christ, à laquelle ils ont dispensé fidèlement la nourriture divine, et pour laquelle ils se sont acquis la gloire la plus pure et la plus éclatante. A Dieu seul il appartient d'éloigner de vous le malheur de l'obstination dans l'hérésie; toutefois, pour vous aider à vous sous. traire à cette coupable folie, je crois devoir maintenant entreprendre la réfutation de vos livres, de manière à justifier contre vous la foi de ces saints évêques, comme on justifie l'Evangile contre les impies et contre les ennemis de Jésus-Christ.
II Cor. XI, 3. ↩
