A LA VIERGE EUSTOCHIA.
Que tout finit en ce monde, même nome. — Rome esclave des Barbares. — Nobles Romains dénués de tout en Palestine. — Continuation du commentaire sur le prophète Ezéchiel.
En 410.
Rien de long qui n'ait une fin; et cependant la longue suite des âges écoulés ne doit point être comptée pour l'achèvement d'une oeuvre quelconque. Tout auteur échouera, à moins qu'il n'ait amassé d'avance les matériaux des bons ouvrages, de ces ouvrages qui ont une prétention d'avenir, qui visent à une espèce d'éternité et qui ne voient dans le temps nulle borne à leur durée. Mais tenons-nous-en à ces vérités élémentaires : tout ce qui naît meurt; tout ce qui arrive à son apogée décline. Et encore : Il n'est aucune oeuvre de l'homme qui n'atteigne la vieillesse. Qui aurait jamais pensé que Rome, cette Rome qui dominait par la victoire dans toutes les parties de l'univers, s'écroulerait ; qu'elle serait tout à la fois et la mère et le tombeau de tous les peuples; qu'elle deviendrait esclave à son tour , celle qui comptait au nombre de ses esclaves l'Orient, l'Egypte et l'Afrique? Qui aurait jamais cru que l'obscure Bethléhem verrait à ses portes d'illustres mendiants, jadis comblés de toutes sortes de richesses?
Puisque nous ne pouvons les secourir, plaignons-les du moins du fond de notre coeur et mêlons nos larmes à leurs larmes. Courbés sous le faix de nos saints travaux, tout en ne pouvant nous défendre d'une profonde émotion en voyant ceux qui pleurent, et tout en gémissant sur ceux qui pleurent , nous avons poursuivi nos commentaires sur Ezéchiel, et nous sommes presque arrivés au but, et nous désirons fortement pouvoir terminer nos travaux sur les saintes Ecritures; il ne s'agit point tant en effet de parler de projets, que de les exécuter. Ainsi donc , encouragé par vos invitations réitérées, ô Eustochia ! vierge du Christ, je reprends mon travail interrompu, et je défère à vos voeux en me hâtant de terminer ce troisième volume; mais avant de commencer, je me recommande à votre bienveillance, ainsi qu'à la bienveillance de ceux qui daigneront me lire; vous priant d'avoir plutôt égard à mes bons désirs qu'à mes forces réelles; celles-ci participent de la fragilité de l'homme , ceux-là dépendent de la sainte volonté du Seigneur.
