A LA VIERGE EUSTOCHIA.
Isaïe est non-seulement prophète, mais encore évangéliste et apôtre. — Il annonce les miracles du Christ; il annonce toute sa passion ; il l'annonce enfin comme le Sauveur du monde. — Commentaire d'Origène sur ce prophète, d'Eusèbe, de Didyme et d'Apollinaire.
En 411.
A peine les vingt livres d'explications sur les douze prophètes et les commentaires sur Daniel sont-ils terminés, que vous m'engagez, Eustochia, vierge du Christ, à passer au commentaire sur Isaïe, et à faire pour vous ce que j'avais promis à votre sainte mère Paula vivante: promesse du reste que je me rappelle avoir faite à votre frère Pamniaque, homme si instruit. Et quoique vous occupiez tous deux la même place dans mon affection, vous l'emportez par votre présence; c'est pourquoi je vous rends à vous et à lui ce que je dois, obéissant aux préceptes du Christ qui dit : « Etudiez l'Écriture, cherchez et vous trouverez, de peur d'entendre avec les Juifs: « Vous errez, ne connaissant pas l'Écriture et la vertu de Dieu;» car si, selon le saint apôtre, le Christ est la vertu de Dieu, la sagesse de Dieu, celui qui ne tonnait pas l'Écriture ignore donc là vertu et la sagesse de Dieu. L'ignorance de l'Écriture est l'ignorance du Christ; c'est pourquoi soutenu par le secours de vos prières, vous qui méditez jour et nuit la loi de Dieu. qui êtes le temple du Saint-Esprit, j'imiterai le père de famille qui tire de son trésor des choses anciennes et des choses nouvelles, et l'épouse disant dans le Cantique des Cantiques : « Je vous ai conservé, mon bien-aimé, des choses anciennes et nouvelles ; » et je commenterai Isaïe de manière à montrer en lui, non-seulement le prophète, mais l'évangéliste et l'Apôtre ; car il dit de lui-même et des autres évangélistes « combien sont beaux les pieds de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles, de ceux qui annoncent la paix. » Et Dieu lui parle comme à un apôtre: « Qui enverrai-je, et qui ira vers ce peuple? » Et il répond : « Me voilà, envoyez-moi. »
Personne ne pensera que je veuille renfermer le commentaire de ce volume en peu de mois; car il contient tous les sacrements du Christ, et il annonce sa naissance d'une vierge, ses oeuvres et ses prodiges, sa mort, sa sépulture, sa résurrection ; et il est préconisé comme le Sauveur de toutes les nations.
Que dirai-je de la physique, de la morale et de la logique? Toutes les écritures sont là, tout ce que la langue humaine peut prononcer, tout ce que l'intelligence peut concevoir, ce volume le renferme. Celui qui l'a écrit atteste lui-même ses mystères : « Vous aurez une vision de toutes choses, comme les mots d'un livre fermé; on le donnera à celui qui est instruit, et on lui dira. «Lis, » et il répondra : «Je ne sais pas lire. » Aussi que ce livre soit donné ou au peuple des nations ignorant les écritures, il répondra: « Je ne puis lire, parce que je n'ai point appris les écritures » ; ou aux Scribes et aux Pharisiens qui se vantent de les connaître, ils répondront : « Nous ne pouvons lire, parce que le lire est fermé. »
Il a été fermé pour eux parce qu'ils n'ont point reçu celui que le père a désigné, celui qui a la clef de David « qui ouvre et personne ne ferme, qui ferme et personne n'ouvre » ; mais les prophètes, comme Montan le rêve avec ses femmes folles, n'ont point parlé vaguement, de sorte qu'ils n'auraient point eu la conscience de leurs paroles; et alors qu'ils instruisaient les autres, ils auraient ignoré ce qu'ils disaient. De ceux-là l’Apôtre dit : « Ignorant ce qu'ils disent, et les choses qu'ils affirment »; mais les prophètes savaient très bien, suivant ces paroles des proverbes de Salomon : « Le sage comprend les paroles qu'il prononce, et il portera la science sur ses lèvres» ; car les prophètes étaient des sages, ce que nous ne pouvons nier, Moïse consommé en toute sagesse parlait à Dieu, et Dieu lui répondait. Et il est dit de Daniel au prince de Tyr, « êtes-vous plus sage que Daniel? Et David était sage qui se glorifiait dans les psaumes: « Vous m'avez révélé les secrets de votre sagesse. » Comment donc ignoraient-ils comme les animaux ce qu'ils disaient? Nous lisons dans un autre endroit de l'Apôtre : « L'esprit des prophètes est soumis aux prophètes, » afin de l'avoir à leur disposition quand ils se taisent, quand ils parlent.
Si cela paraît faible à quelqu'un, qu'il écoute le même apôtre : « Que deux ou trois prophètes parlent , que les autres jugent. » Par quel motif peuvent-ils, lorsque l'esprit qui parle par les prophètes est en leur pouvoir, ou se taire, ou parler? Si donc ils comprenaient les choses qu'ils disaient, ces choses sont pleines de sagesse ou de raison. L'air, frappé par la voix ne parvenait pas à leurs oreilles; mais Dieu parlait à l'esprit des prophètes, d'après ce que dit un autre prophète: « l'ange qui parlait en moi. »……….d'où après la vérité de l'histoire, il faut tout recevoir spirituellement, ainsi il faut comprendre et la Judée,et Jérusalem, et Babylone,et les Philistins, et Moab, et Damas, et l'Egypte, et le retrait de la mer, et l'Idumée, et l'Arabie, et la vallée de la vision, et enfin Tyr et la vision des quadrupèdes, afin que nous cherchions un sens à toutes ces choses comme si l'apôtre Paul, habile architecte, posait le fondement qui n'est autre que le Christ Jésus. C'est un travail énorme et important de vouloir commenter tout Isaïe, sur lequel nos ancêtres se sont fatigués, je parle des Grecs. Chez les Latins il y a un silence absolu, excepté le martyr Victorin de sainte mémoire qui pouvait dire avec l'Apôtre, si je suis inhabile à parler, je suis versé dans la science.
Car sur ce prophète d'après quatre éditions, Origène a écrit jusqu'à la vision des quadrupèdes près de trente volumes; le vingt-sixième. volume manque. On lui attribue encore sur la vision deux autres livres à Grata qui sont regardés comme l'aux, et vingt-cinq homélies que nous pouvons appeler choisies. Eusèbe, selon l'explication historique de Samphilis, a publié aussi quinze volumes, et Didyme avec lequel nous avions dernièrement des relations d'amitié, depuis l'endroit où il est écrit : « Consolez, prêtres, consolez mon peuple, parlez au coeur de Jérusalem » jusqu'à la fin du volume, a écrit dix-huit tomes; mais Apollinaire, selon sa coutume, expose tout de manière à parcourir tout en général, en ne s'arrêtant qu'à de certains intervalles, de sorte qu'on ne croit pas tant lire des commentaires que des indications de chapitre. D'après cela, vous pouvez remarquer qu'il est difficile que nos Latins, dont les oreilles sont délicates, qui dédaignent de comprendre les Ecritures, et sont seulement sensibles au charme de l'éloquence, me pardonnent si je parle avec prolixité.
