A LA VIERGE EUSTOCHIA.
Maladies fréquentes de Jérôme. — Il parle de sa mort prochaine; il n'a souci que du jugement de Dieu.
Lettre écrite en 413.
Le Seigneur qui regarde la terre et qui la fait trembler, qui touche les montagnes et qui les fait fumer, qui dit dans le cantique du Deutéronome : « Je tuerai et je donnerai la vie, je frapperai et je guérirai , » a fait aussi, par de fréquentes maladies, trembler ma chair, cette chair dont il est dit : «Vous êtes terre, et vous retournerez en terre. »
Et il me rappelle souvent à moi, qui oublie la fragilité de la rature humaine , que je suis homme d'abord, vieux, et sur le point de mourir. C'est à ce sujet que l'Ecclésiaste dit: « De quoi vous glorifiez-vous, terre et poussière? » Le Seigneur, qui m'avait frappé de maladie, m'a guéri avec une incroyable promptitude; il l'avait l'ait plutôt pour m'effrayer que pour me châtier. C'est pourquoi , sachant à qui appartient tout ce qui a vie, et que peut-être ma mort n'est différée que pour terminer le travail entrepris sur les prophètes, je m'y livre tout entier. Et comme enfermé dans une caverne, je contemple, non sans gémissements et sans douleur, les naufrages et les révolutions de ce monde; n'ayant aucun souci des choses présentes, mais des futures, ne redoutant ni le bruit ni les propos des hommes, mais redoutant le jugement de Dieu.
Et vous, Eustochia, vierge du Christ, qui m'avez secouru de vos prières dans ma maladie, demandez pour moi la grâce du Christ afin d'avoir l'esprit qui animait les prophètes en prédisant l'avenir: afin de pouvoir m'élever à la hauteur de leurs mystères, connaître la Parole de Dieu , que l'âme comprend et non le corps, et pouvoir dire avec le prophète : « Seigneur, donnez-moi la connaissance de la science, afin de savoir quand il faut parler. »
