A THÉOPHILE, PATRIARCHE D'ALEXANDRIE.
Eloge de la lettre pascale de Théophile. — Maladie de Jérôme. — Mort de sainte Paula.
Ecrite en 405.
Depuis que votre béatitude m'a envoyé sa lettre pascale1, j'ai été si accablé de douleur; et les affaires de l'Église, dont j'entends parler diversement, m'ont donné tant d'inquiétude, qu'à peine ai-je pu traduire votre lettre en latin. Car vous savez ce que disent les Anciens: « Que l'éloquence et la tristesse ne sauraient s'allier ensemble , surtout quand aux peines de l'esprit se joignent les infirmités du corps. » En ce moment même, je suis dans l'accès de la fièvre, et il y a déjà cinq jours que je garde le lit. J'ai donc dicté cette lettre à la hâte, pour vous marquer en peu de mots que la traduction de la vôtre m'a infiniment coûté, et que j'ai eu bien de la peine à rendre beauté pour beauté, et à donner au latin l'élégance et la douceur du grec.
Vous commencez, comme les philosophes, par établir des principes généraux, qui vous servent tout à la fois et à instruire tous les hommes en général, et à accabler en particulier celui2 dont vous avez entrepris de combattre les erreurs. Dans la suite , chose si rare et si difficile , vous savez allier Platon à Démosthènes, et joindre à la force et à la solidité de la philosophie les beautés et les ornements de l'éloquence. Avec quelles couleurs ne dépeignez-vous pas les désordres et l'infamie de l'incontinence? Par quelles louanges au contraire ne relevez-vous pas le mérite et l'éclat de la chasteté? Avec quelle érudition ne décrivez-vous pas la vicissitude des jours et des nuits, le. cours de la lune et du soleil, la construction et la nature de ce vaste univers? Vous n'allez pas puiser vos preuves et vos raisonnements aux sources de la littérature profane, de peur de déroger à la dignité de votre sujet; vous n'appuyez ce que vous dites que sur l'autorité des saintes Écritures. En un mot (car je crains que les louanges que je vous donne ici ne soient suspectes de flatterie ), votre ouvrage est excellent, vous y raisonnez selon les véritables principes de la philosophie, et vous traitez votre sujet sans offenser personne.
Pardonnez-moi donc, je vous prie, d'avoir différé si longtemps à le traduire. Je suis si affligé de la mort de la vénérable Paula, qu'excepté la traduction de votre lettre, il m'a été impossible jusqu'à présent de rien faire sur l'Écriture sainte. Vous savez qu'en perdant cette sainte femme nous avons perdu toute notre consolation. Si je suis si sensible à cette perte , Dieu m'est témoin que ce n'est point pour mon propre intérêt ; je n'ai en vue que celui des serviteurs du Christ, que cette charitable veuve soulageait et prévenait même dans tous leurs besoins.
Votre sainte et vénérable fille Eustochia vous salue; elle est inconsolable de la mort de sa mère. Tout le monastère vous salue. Envoyez-moi les ouvrages dont vous me parlez dans votre lettre; je serais bien aise de les lire ou de les traduire. Je prie le Christ de vous conserver la santé.
