Les étapes de la vie spirituelle.
Pour que toutes ces choses exposées dans un long discours pénètrent plus facilement ton coeur, et s'attachent fortement, inséparablement à tes pensées, j'en fais un résumé où tu embrasseras l'universalité des préceptes.
Voici donc l'ordre que tu suivras pour monter sans labeur ni difficulté à la plus haute perfection.
Le principe de notre salut et de notre philosophie d'après l'Écriture, c'est la crainte du Seigneur. De la crainte naît la componction salutaire. De la componction du coeur procède le renoncement, c'est-à-dire, le dépouillement et le mépris de toutes les ressources humaines. Du dépouillement vient l'humilité. L'humilité fait mourir la volonté propre. Par cette mortification de la volonté sont extirpés tous les vices. Les vices étant expulsés, les vertus fructifient et grandissent. Dans cette multiplication des vertus on acquiert la pureté du coeur. Dans la pureté de coeur on possède le. perfection de la charité apostolique. (Inst., IV, 43. P. L., 49, 201.)
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Toutes les personnes de lettres savent quelle est l'étude de ceux qui commencent à entrer dans les sciences, de ceux qui y sont déjà plus avancés, et de ceux qui sont devenus capables d'enseigner les autres. Prenons donc bien garde, qu'après avoir étudié fort longtemps, nous ne soyons encore qu'à la grammaire, puisque c'est une grande honte pour un vieillard qu'on le voie aller à l'école. Voici les vertus qui, comme autant de lettres spirituelles, composent un saint alphabet pour ceux qui commencent à s'instruire dans la vie religieuse. L'obéissance, le jeûne, le cilice, la cendre, les veilles, la force ou la générosité, la souffrance du froid, du travail, du mépris, et de toutes sortes de maux, la contrition, l'oubli des injures, l'amour fraternel, la douceur, la foi simple et exempte de toute curiosité, l'oubli du monde, l'aversion sainte de ses proches, qui est sans vraie aversion, le détachement de toutes les choses de la terre, la simplicité jointe avec l'innocence, et l'abjection volontaire.
Quant à ceux qui sont avancés dans la vertu, leur étude est la fuite de toute vanité, l'éloignement de toute colère, la ferme espérance des biens à venir, le calme de l'esprit, la discrétion, le souvenir fixe et continuel du dernier jugement, la compassion pleine de tendresse, l'hospitalité, la modération et la douceur dans les répréhensions qu'on fait aux autres, l'oraison toute pure et toute tranquille, et un entier mépris des richesses.
Et pour ce qui est des parfaits, qui par une fervente piété consacrent à Dieu toutes les pensées de leur esprit, et toutes les actions de leur corps, ils ont pour étude, pour exercice, et pour loi dans leur conduite, de conserver leur âme toujours libre de la malheureuse captivité des passions, de s'efforcer d'acquérir une charité parfaite, de rendre leur coeur comme une source vive d'humilité, de tenir leur esprit comme absent et éloigné de toutes les choses du monde et de lui-même, et d'y tenir Jésus-Christ toujours présent, de conserver le trésor de leurs oraisons et de leurs lumières contre les embûches des démons qui le leur veulent ravir, de s'enrichir des dons célestes et des illuminations divines, de désirer la mort, de haïr la vie, de fuir tout ce qui peut donner de la satisfaction au corps, d'être de puissants intercesseurs pour tout le monde envers Dieu, de faire violence à sa bonté par le mérite et par la force de leurs prières, de participer au ministère des anges en aidant comme eux et en secourant les hommes, d'être des abîmes de science, des interprètes de la vérité divine, des dépositaires des secrets du ciel, des sauveurs des hommes, la terreur du démon, des dompteurs du vice, des dominateurs du corps, des vainqueurs de la nature, des ennemis irréconciliables du péché, des temples vivants de la souveraine paix de l'âme, et enfin des imitateurs du Seigneur, par le secours et la grâce du Seigneur, (Clim., XXVI, 16, 17, 18. P. G., 88, 1017.)
