La sainteté n'est ni dans les observances ni dans les miracles.
Trois frères vinrent un jour à un ancien de Scété et l'un d'eux l'interrogeant sur lui-même dit : « Père, j'ai appris par coeur tout l'Ancien et tout le Nouveau Testament. » L'ancien répondit : « Tu as rempli l'air de paroles. » Le second dit : « Moi, j'ai copié tout l'Ancien et tout le Nouveau Testament. » Et le vieillard lui dit : « Tu as rempli les fenêtres de parchemin. » Enfin le troisième dit : « Les herbes ont grandi dans mon foyer. » Et le vieillard : « Tu as donc chassé loin de toi la vertu d'hospitalité. » (Pélage, X, 94. P. L., 73, 929.)
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C'est pourquoi nous ne devons jamais témoigner de l'estime et de l'admiration pour ces personnes qui se prévalent de miracles, mais nous devons plutôt nous arrêter à considérer si elles se sent rendues parfaites en s'éloignant de tous les vices et se perfectionnant dans la vertu. Car c'est là ls grand don que Dieu ne fait point à un homme à cause de la foi d'un autre ou pour d'autres raisons extérieures, mais que sa grâce accorde à chacun, à proportion qu'il voit qu'il le souhaite, et qu'il le désire. C'est en cela que consiste cette science d'action et de pratique à qui saint Paul donne aussi le nom de charité, et que cet Apôtre préfère à toutes les langues des anges et des hommes, à la plénitude d'une fiai qui transporterait même les montagnes, à toutes les sciences et à toutes les prophéties, à la distribution de tous ses biens aux pauvres, et enfin à la gloire môme du martyre le plus illustre. Car après avoir fait le dénombrement de tous ces dons, en disant : « Dieu donne à l'eut par son Saint-Esprit la parole de sagesse, à l'autre la parole de science, à l'autre la foi, à l'autre la grâce des guérisons, à l'autre le don des miracles », lorsqu'il va parler de la charité, il fait voir ainsi combien il la préfère à toutes ces choses; « et je vous apprendrai encore, une voie infiniment plus excellente et plus relevée ». II montre assez ces paroles que la souveraine perfection et la souveraine félicité ne consistent pas dans la vertu de faire de grands miracles, mais dans la pureté de l'amour et de la charité. Et n'est-ce pas avec grande raison que cet Apôtre ce jugement, puisque toutes ces choses seront détruites et anéanties, au lieu que la charité demeurera éternellement. C'est pourquoi nos Pères n'ont jamais affecté de faire ces miracles, et lors même que le Saint-Esprit leur en avait donné la grâce, ils n'ont jamais voulu s'en servir, que dans une extrême et inévitable nécessité. (Coll., XV, 2. P. L., 49, 993.)
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En effet, n'est-ce pas un plus grand miracle de déraciner de sa propre chair tous les rejetons de la concupiscence, que de chasser les démons du corps des autres, et d'étouffer par sa patience les mouvements et l'ardeur de la colère, que de commander aux princes et aux puissances de l'air. N'est-ce pas l'effet d'une bien plus grande puissance, de bannir de son propre coeur la tristesse qui le dévore, que de chasser des corps la fièvre ou les autres maladies? Enfin, n'est-ce pas en toutes manières une plus admirable vertu, et la preuve d'une plus haute sainteté, de guérir les langueurs de son âme que celles des corps ? Car plus l'âme est élevée au-dessus du corps, plus sa guérison est précieuse, et plus sa substance est noble, plus sa ruine est déplorable. (Coll., XV, 8. P. L., 49, 1007.)
