Le démon avant-coureur.
Entre les démons, il y en a un qu'on appelle l'avant-coureur, qui vient nous tenter au moment que nous nous éveillons, et qui tâche de corrompre la pureté de nos premières pensées. C'est pourquoi, consacrez à Dieu ces prémices de votre journée. Car elle appartiendra à celui qui en aura pris possession le premier. Un grand serviteur de Dieu me dit autrefois cette parole mémorable : Qu'il jugeait par l'état auquel il se trouvait au commencement du jour en quel état il serait durant tout le reste de la journée. (Clim., XXVI, 104. P. G., 88, 1035.)
Ne pas imaginer le jugement de Dieu sur une vie humaine d'après les événements heureux ou malheureux.
S'incliner devant la Providence mystérieuse. Ce mystère se fait saisir en particulier dans la diversité d'humeur et de tempérament. Celui-là a plus de mérite à atteindre le but, qui rencontre plus d'obstacles dans ses tendances naturelles.
Voilà ce que nous devons rechercher et examiner devant Dieu. Car, si nous voulons trop entrer dans le secret de sa volonté, cette recherche étant au-dessus de nous n'aura qu'une dangereuse fin. Les jugements de Dieu sur nous sont aussi impénétrables qu'ineffables. Il veut souvent par une sage dispensation de sa Providence que sa volonté nous soit cachée, sachant que quand elle nous serait connue, nous ne la suivrions pas, et qu'ainsi cette connaissance ne nous servirait que pour attirer sur nous de plus sévères châtiments de sa justice. (Clim., XXVI, 119. P. G., 88, 1034.)
Lorsque nous verrons quelques-uns de nos frères qui servent Dieu tomber dans quelque maladie corporelle, ne. soyons pas si méchants que de croire que cet accident fâcheux leur est arrivé par un secret jugement de Dieu, qui les punit par là de quelques fautes qu'ils ont commises ; mais dans la simplicité de notre coeur, et sans mauvaises pensées, prenons soin d'eux, car ils sont membres du corps auquel nous appartenons tous ; ce sont des compagnons d'armes avec lesquels nous faisons la guerre avec un ennemi commun.
Au reste Dieu envoie quelquefois des maladies pour purifier notre âme des souillures que les péchés lui ont faites, et quelquefois pour nous aider à chasser la vanité de nos coeurs. Il n'est pas rare encore que Dieu, dont la bonté et la miséricorde sont infinies, en nous voyant lâches et paresseux dans les saints exercices de la piété, se serve de la maladie comme d'une mortification salutaire et plus facile pour humilier et affaiblir nos coeurs rebelles, pour purifier notre esprit des mauvaises pensées et pour délivrer notre corps des passions déréglées. (Clim., XXVI, 52. P. G., 88, 1023.)
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Il y en a qui sont, pour le dire ainsi, naturellement portés à la tempérance, ou au repos de la solitude, ou à la chasteté, ou à la modestie, ou à la douceur, ou à la componction. J'avoue que la raison de cet effet naturel m'est entièrement inconnue. Car je n'ai jamais eu assez de présomption pour vouloir pénétrer par une vaine et téméraire curiosité dans les raisons secrètes de la Providence, qui distribue ses dons aux hommes selon qu'il lui plaît. Il y en a d'autres, qui ayant des inclinations presque toutes contraires à ces vertus naturelles, se font tente la violence qu'ils peuvent pour les surmonter. Et quoiqu'ils demeurent quelquefois vaincus, néanmoins je les estime plus que ces premiers, parce qu'ils font violence à la nature. (Clim., XXVI, 28. P. G., 88, 1.019.)
