Tendre ses forces vers le but unique.
Ceci nous paraîtra plus clair par la comparaison de ceux qui se servent de l'arc et des flèches. Lorsque ces personnes désirent signaler leur habileté et leur adresse devant leur prince, elles se proposent pour but un petit écusson où sont dépeints les prix que l'on promet aux vainqueurs, et font ensuite tous leurs efforts pour l'atteindre avec leurs dards ou avec leurs flèches parce qu'elles sont très assurées du prix, si elles le frappent, et que sans cela elles n'auront jamais la récompense, qui était leur unique fin dans cet exercice.
Appliquez cela à notre profession : Notre fin est, selon saint Paul, la vie éternelle. Car c'est ce qu'il dit clairement : Ayant pour fruit la sanctification de vos âmes, et pour fin la vie éternelle. Le moyen que nous nous proposons comme un but pour y arriver est la pureté du coeur, que saint Paul appelle avec grande raison, la sanctification de l'âme : sans laquelle on ne pourra jamais arriver à cette fin. Comme s'il eût dit, en d'autres termes, ayant pour but la pureté de cœur et pour fin la vie éternelle.
Et parlant ailleurs sur ce même sujet, il s'exprime plus nettement lorsqu'il dit : J'oublie ce qui est derrière moi, et m'avançant vers ce qui est devant moi, je cours sans relâche au bout de la carrière. Le grec porte clairement le mot de but; j'avance toujours vers mon but : comme s'il disait le but que je me propose pour parvenir à la récompense du Ciel, est d'oublier tout ce qui est derrière moi, c'est-à-dire les dérèglements du vieil homme qui a précédé.
Il faut donc embrasser de toutes nos forces, tout ce qui peut contribuer à faire atteindre ce but de la pureté du cœur, et rejeter comme pernicieux tout ce qui nous en peut éloigner. C'est pour elle que nous faisons et souffrons toutes choses, que nous méprisons nos parents et notre pays, que nous fuyons les honneurs, les richesses, les plaisirs, et tout ce qui peut satisfaire les sens, afin de nous conserver dans une éternelle pureté de coeur. Tant que nous nous la proposerons pour notre but, toutes nos pensées et toutes nos actions tendront à l'acquérir. Mais si elle s'échappe à nos yeux, nos travaux aussitôt deviendront inconstants, nos peines inutiles, nos efforts sans récompense ; et nos pensées même toutes flottantes et toutes incertaines se combattront et s'entredétruiront elles-mêmes : parce qu'il faut nécessairement qu'une âme qui n'a rien de fixe et d'arrêté où elle doive tendre, change à tout moment et à toute heure, selon la variété des choses qui se rencontrent; et que n'ayant rien qui la retienne au dedans, elle se transforme en quelque sorte en toutes les dispositions, et tous les états qui se présentent à elle au dehors. (Coll., I, 5. P. L., 49, 486.)
